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Nouveau portrait du jour Christian Porte

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Christian Porte

Bienvenue Christian sur le très prisé et discret Culture et justice

L'interwiew est réalisée par notre ami Eric Labayle, historien et éditeur.

Spécialiste d’histoire militaire, française et canadienne. Et dans ce domaine, qui reste très vaste, je m’intéresse plus particulièrement à l’histoire sociale de l’armée française (l’armée en tant que corps social) entre 1850 et 1950. Par ailleurs, j’ai beaucoup travaillé sur le témoignage et son exploitation historique : carnets de guerre, correspondance, mémoires, journaux intimes, etc...

 

  • Interview Christian Porte

Bonjour Christian Porte. Vous avez une carrière particulièrement bien remplie, notamment dans le domaine du journalisme. Pouvez-vous la résumer en quelques mots ?

Christian Porte : Effectivement, j’ai la chance de faire ce métier de journaliste depuis plus de 40 ans, essentiellement pour un hebdomadaire départemental Le Républicain de l’Essonne et du Val-de-Marne, tout en assurant, en parallèle, la responsabilité de correspondant départemental de l’Agence France Presse (AFP) et du Figaro. J’ai également travaillé comme illustrateur pour Le Quotidien du médecin, à sa création, dans les années 70…

Spécialiste du monde de la police et de la justice, j’ai travaillé sur les grandes affaires criminelles de ces dernières décennies, de l’enlèvement de Ben Barka à l’attentat contre l’Hyper Cacher à Saint-Mandé, en passant par le rapt du baron Empain ou l’affaire des fiancés assassinés de Fontainebleau.

Désormais, j’interviens comme consultant pour divers médias francophones en matière de « cold cases ». À l’occasion, je collabore à l’écriture de scenarii pour la télévision. Enfin, je suis l’auteur du script d’une bande dessinée publiée en 2000 : «  OVNI, un défi pour le troisième millénaire ».

Comment en êtes-vous venu à vous intéresser plus spécifiquement aux affaires criminelles ?

Christian Porte : Dis-moi quels sont tes faits divers et je te dirais dans quelle société tu vis… Depuis la nuit des temps, le fait divers marque son époque. Les plus spectaculaires sont gravés à tout jamais dans la mémoire collective, de l’assassinat du roi Henri IV par le fanatique Ravaillac à la tuerie du Bataclan par les terroristes de l’État Islamique (EI), en passant par tous ces criminels dont les noms témoignent de la violence de notre société : Lacenaire, Jack l’Éventreur, Bonnot, Landru, Al Capone ou encore les sœurs Papin, Pierrot-le-Fou et Jacques Mesrine.

Un fait divers, c’est fait de chair, de sang, de larmes, de douleurs. C’est toujours un choc émotionnel. C’est la société humaine à l’état brut ! Il se présente comme une histoire concise qui fait sauter les normes de l’ordre social ou du comportement.

Dans son étude Structure du fait divers (Essais critiques, Seuil, 1964), le philosophe et sémiologue Roland Barthes considère que « le fait divers procéderait d’un classement de l’inclassable : il serait le rebut inorganisé des nouvelles informes... désastres, meurtres, enlèvements, agressions, accidents, vols, bizarreries », le tout renvoyant « à l’homme, à son histoire, à son aliénation, à ses fantasmes, à ses rêves, à ses peurs... ».

Passionnant donc !

Vous avez collaboré à plusieurs ouvrages d’histoire policière et judiciaire, et notamment au remarquable « Dictionnaire Fouché », dirigé par Julien Sapori et publié aux éditions Sutton. Quels sont vos rapports avec l’Histoire ? Est-ce un simple passe-temps, ou bien une autre discipline, au même titre que le journalisme ?  

Christian Porte : Le journalisme c’est un des acteurs de l’Histoire. Il témoigne, à son niveau, de ce qu’il voit, constate, apprend. Prenons l’épouvantable guerre russo-ukrainienne : sans la présence des correspondants de guerre sur le terrain que saurions-nous réellement des drames qui se jouent à moins de deux heures d’avion de chez nous ? La carte de presse est souvent le bon sésame pour pénétrer dans une histoire dont on ignorait tout quelques minutes plus tôt !

Vous êtes le spécialiste d’une affaire criminelle particulièrement trouble : celle des « fiancés de Fontainebleau ». En quoi consiste cette affaire ?

 

Christian Porte : Les faits datent de la Toussaint 1988. Anne-Sophie et Gilles, un jeune couple de 25 ans, décide de profiter du beau temps pour faire une promenade en forêt de Fontainebleau. En fin de matinée, le couple et leur jeune chien Dundee, quittent la maison des parents de Gilles située à Bois-le-Roi (Seine-et-Marne) et prennent la direction du GR 11, dans le secteur du Coquibus. Vers 14 h, un chasseur les aperçoit se diriger vers le plateau du Coquibus. C’est la dernière fois que le couple et leur chien sont vu vivants.

Pourquoi vous êtes-vous particulièrement attaché à cette affaire ?

Christian Porte : Le hasard a voulu que j’accompagne les gendarmes lors de la grande battue mobilisant 800 personnes dans les jours qui ont suivi la disparition d’Anne-Sophie et de Gilles. Ce jour-là nous sommes passés précisément à hauteur de la mare-aux-joncs sans rien découvrir de particulier. Or, deux mois plus tard, le 10 janvier 1989, c’est très précisément à cet endroit que sont retrouvés les corps du couple et de leur chien, criblés de balles 22 Long Rifle… Ce déplacement post mortem confirmé par le procureur de la République ne ppeut que soulever bien des interrogations sur le scénario possible du meurtre des deux jeunes gens.

A quelles conclusions vos recherches vous ont-elles conduit, au sujet de cette affaire des « fiancés de Fontainebleau ?

Christian Porte : Malgré l’ampleur des investigations menées sous l’autorité de trois juges d’instruction, « l’affaire des fiancés assassinés de Fontainebleau » s’inscrit comme un scandale judiciaire eu égard les zones d’ombre qui persistent trois décennies plus tard ! Mon intime conviction est que la justice n’a pas voulu trouver les coupables !

On a souvent tendance à assimiler l’histoire criminelle à de la littérature à sensation et destinée à un public peu soucieux de science historique. Qu’en pensez-vous ?

Christian Porte : En matière d’affaires criminelles, le seul message qui s’impose à tous tient en un mot : le respect ! D’abord pour les victimes et leurs proches dont la vie a été bouleversée, par exemple en cas de meurtre. Mais il faut aussi savoir qu’il y a également de grandes douleurs chez les proches des auteurs qui sont fracassés par ce qui s’est passé ! Le respect de la présomption d’innocence me paraît essentiel à préserver. Une affaire criminelle, ce n’est pas un Cluedo macabre qui se développe trop souvent à propos des affaires qui font la Une de l’actualité. Cela n’est et ne doit pas devenir un « jeu de société », car n’oublions jamais que ce ne sont pas des fictions, mais bien de faits réels dont on parle !

Dans votre dernier livre (« Saint-Mandé au cœur de l’histoire criminelle », paru début 2022 aux éditions Lamarque), vous avez relaté un certain nombre d’affaires criminelles ayant, à un moment ou un autre, eu pour cadre la ville de Saint-Mandé. Pourquoi avoir choisi cette commune ? Présente-t-elle des particularités du point de vue criminel ?

Christian Porte : Les faits divers font partie de la vie quotidienne. Ils sont aussi naturels que les faits politiques, économiques, sociaux ou culturels. Un fait divers, c’est surtout un évènement soudain au carrefour de toutes les proximités : proximité géographique, temporelle, affective. Il touche tout le monde parce qu’il peut se produire n’importe où, n’importe comment, concerner n’importe qui. Son traitement touche aux valeurs profondes de la vie des gens : l’amour, la haine, l’amitié, la trahison, la confiance, la défiance, la peur.

Reflet et miroir de choses universelles, le fait divers permet d’observer et de comprendre une époque, ses mentalités, ses angoisses et ses tabous. Certaines de ces histoires ont ainsi une portée sociologique qui les faits sortir du lot commun. Elles deviennent alors des « faits de société » qui apparaissent comme autant de marqueurs de notre quotidien.

Souvent présentée comme « le petit Neuilly de l’Est parisien », la commune de Saint-Mandé est néanmoins ancrée dans son époque et ne bénéficie pas d’une cloche protectrice miraculeuse ; depuis toujours, l’histoire la vie de la ville a été ponctuée par des faits divers …

Votre livre recense un grand nombre d’affaires. Lesquelles vous paraissent les plus importantes, en ce sens où elles auraient laissé une empreinte profonde dans l’Histoire de France ?

Christian Porte : il est délicat d’établir une sorte de palmarès de la criminalité mais effectivement la cité saint-mandéenne a été le théâtre d’affaires hors norme, du Surintendant Fouquet à la mère infanticide ayant abandonnée sa fillette sur une plage de Berk à la marée montante, en passant par Vidocq, le docteur Petiot, la bande à Bonnot, Paul Touvier, quatre meurtres pour la première arnaque écolo, sans oublier l’attaque terroriste de l’Hyper casher par Coulibaly en 2015.

Avez-vous choisi d’écarter certaines affaires de votre livre ?

Christian Porte : Non ! Cela aurait faussé quelque peu le résultat final si j’avais choisi d’écarter une affaire. Sur quels critères …

Sur quel(s) sujet(s) travaillez-vous actuellement ?

Christian Porte : Je travaille sur deux ouvrages : l’histoire du Service départemental d’incendie et de secours de l’Essonne depuis sa création dans les années 60/70 qui a ensuite servi de base à la généralisation du dispositif de départementalisation à l’ensemble de la France, et, un second livre qui entrainera les lecteurs dans l’histoire criminelle de l’Essonne, là-encore depuis sa création administrative en 1964. Un nouveau département qui a été le théâtre de nombre des grandes affaires criminelles dont j’ai été le témoin privilégié en ma qualité de journaliste en charge des affaires police-justice dans le principal journal local durant… 45 ans !

De la mise à jour d’un système hors du commun de fausse monnaie à Montgeron à l’affaire du tueur fou de Juvisy-sur-Orge en passant par le dossier Ben Barka à Fontenay-le-Vicomte, le quadruple meurtre commis dans un débit de boissons lors d’un modeste braquage en 2001 à Athis-Mons, les mortes de la RN 20 dans la région d’Étampes, l’assassinat particulièrement odieux de la jeune Sabine à Bièvres ou celui d’un couple de boulanger à Vigneux-sur-Seine, l’attaque spectaculaire d’un dépôt d’une société de transport de fonds à Vert-le-Grand ou encore l’affaire du Grêlé à Saclay ou celle des fiancés de Fontainebleau à Milly-la-Forêt, l’arrestation des membres du gang des postiches à Yerres, la fin tragique du « roi de l’évasion » à Fleury-Mérogis, l’enlèvement du baron Empain séquestré à Savigny-sur-Orge, le meurtre de Gilles Andruet à Sault-les-Chartreux, le gang des Barbares à Sainte-Geneviève-des-Bois, sans oublier une multitude d’autres crimes, je proposerai aux lecteurs de pénétrer dans les coulisses d’autant de dossiers qui conservent, pour certains d’entre eux, leur part de mystère puisque leurs auteurs courent toujours !

 

Relecture et mise en page  Ph.P 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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