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Aujourd’hui, nous célébrons le millième numéro d’Affaires Sensibles, la millième histoire inédite depuis huit ans. Pour marquer l’événement, une histoire emblématique, mère de toutes les affaires sensibles de ce pays : l’affaire Dreyfus deuxième épisode.

Un simple rocher battu par la mer. Droit vers le Nord, pas une seule terre avant le Groënland. A l’Est, rien avant l’Afrique. Au large, vers le Sud et vers l’Ouest, invisible, c’est la Guyane. Sur l’île du Diable, il n’y a rien d’autre que des bananiers, des cocotiers, un embarcadère et deux cases. La première est celle des gardiens. La seconde est une cellule de quatre mètres sur quatre. A l’intérieur, une table, une étagère, un lit, une bassine, deux fenêtres avec des grilles en fer, et Alfred Dreyfus. Nous sommes en septembre 1896, voilà un an et demi que Dreyfus, condamné pour trahison, purge sa peine de déportation… Le jugement ne s’est pas embarrassé d’en préciser la durée : le bagne, c’est pour toujours ou plutôt jusqu’à la mort. Soit entre trois et cinq années après l’arrivée du déporté, en moyenne. On appelle ça la “guillotine sèche” : ça tue lentement.

Mais l'ile du Diable ce n’est pas tout à fait le bagne. Le bagne, c’est en face, sur l’île Royale, et sur le continent. Cela faisait trente ans qu’on n’avait plus déporté personne sur ce caillou. Ce qu’on y mettait, avant Dreyfus, c’était les lépreux. Le capitaine déchu n’est pas un bagnard comme les autres. Il est le seul prisonnier de l’île. C’est un pestiféré, un malade, une abomination. Un demi-pain par jour, un peu de thé, du lard pourri… Des chaleurs accablantes, des pluies diluviennes, les moustiques, les fourmis, des araignées grosses comme la main… Du courrier qui n’arrive jamais, une surveillance qui ne s’arrête pas une seule seconde, l’interdiction d’échanger le moindre mot avec les gardiens… “ C’est la tombe , écrit Dreyfus dans son journal, avec la douleur en plus d’avoir encore un cœur." Il est très faible, il enrage, mais il tient… “ Ah ! non, il faut que je vive , dit-il, il faut que je domine mes souffrances pour voir le jour du triomphe de l’innocence pleinement reconnue. ”

Un récit documentaire de Romain Weber en partenariat avec RetroNews, le site de presse de la BnF

Invité : Philippe Oriol, historien, auteur notamment de la somme : L’Histoire de l’affaire Dreyfus de 1894 à nos jours (Les Belles Lettres, 2014) ; et en 2019 chez Grasset : Le faux ami du capitaine Dreyfus : Picquart, l'affaire et ses mythes. Il est commissaire scientifique du Musée Dreyfus et directeur de la Maison Zola-Musée Dreyfus à Médan (Yvelines).
 

Tag(s) : #Histoire - Documentaires, #Justice - Peine de mort - Expertises
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