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Nouveau portrait du jour Jean-françois Pasques

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Jean-françois Pasques

Jean-François Pasques est capitaine de police et écrivain de roman policier.

Il est en fonction sur la circonscription de Nantes.

Chimiste de formation, il a quitté son laboratoire de recherches par manque d’espace. Il est entré dans la Police Nationale, un peu par hasard.

Vingt-six années plus tard, il est convaincu d’avoir trouvé sa place dans un monde en perpétuel mouvement en donnant du sens à sa vie...

Bienvenue Jean-françois sur le très prisé et discret Culture et justice

 

"Je m’appelle Jean-François Pasques, j’ai 51 ans et je suis Capitaine de Police en fonction sur la circonscription de Nantes. J’ai travaillé pendant une quinzaine d’années à Paris, notamment en section criminelle à la 1ère Division de Police Judiciaire.

Avec mon épouse, nous avons fait le choix de quitter Paris pour offrir à nos deux enfants un cadre de vie plus agréable mais j’avais également une idée en tête : je voulais écrire. Oui, écrire ! Car si « l’Officier de Police Judiciaire est l’écrivain du quotidien », comme me le martelait sans cesse mon formateur à l’école de police, le métier de policier offre le privilège de se retrouver au centre des choses avec une source intarissable de personnages, de situations, de décors et d’histoires humaines à vivre de l’intérieur.

Le plus important, lorsqu’on est policier, est de rentrer à la maison. Paradoxalement, c’est souvent le plus difficile. Comment retrouver le calme après les excès causés par un mélange d’adrénaline, de violence polymorphe et d’émotions en tout genre ? Que faire de tous ces drames, tragédies, injustices auxquels nous sommes confrontés ? Comment juguler cette colère que l’on sent parfois poindre en soi, accompagnée de son ombre, le doute ? Comment passer de l’extraordinaire qui fait notre quotidien à l’ordinaire de nos concitoyens ?

En fait, le plus difficile ce n’est pas de rentrer à la maison mais c’est de rentrer avec tellement de choses à raconter qu’on ne sait pas comment les partager. Difficile de trouver le bon moment, les mots justes pour exprimer fidèlement ce qu’on a vécu, parfois des petits riens mais qui marquent la vie d’un homme. On ne veut pas inquiéter ou tirer trop la couverture à soi, on a aussi peur d’être incompris… Par défaut, le policier fait souvent le choix de se taire. Il s’autocensure malgré des charges émotionnelles réellement ressenties dont il a la conviction qu’elles sont une richesse éclairante sur le monde environnant, une vérité cachée.

Finalement, à la maison, le policier ressemble un peu à « L’Albatros » de Charles Baudelaire, incapable de marcher normalement au milieu des siens, incapable surtout de communiquer avec eux. Vous allez dire que j’exagère... Pour la comparaison avec ce « vaste oiseau des mer », je vous le concède, mais pour le reste, je ne suis pas un adepte des abus de langage ; mes livres parlent pour moi ! Pas de glauque ni de sordide, pas de course poursuite dans un rythme effréné ni de cadavres à tout bout de champ, pas de surenchère ni d’excès de forme pour masquer une absence de fond, simplement du vécu policier transposé en littérature avec l’Homme au centre des choses. Car vous l’avez bien compris, j’ai trouvé une réponse unique à toutes mes questions : écrire ! Et j’ai une chance incroyable car lorsqu’on est policier, il n’est pas nécessaire d’avoir de l’imagination pour écrire. Bien au contraire, il faut se forcer à réduire la réalité pour rester crédible.

Pour les adeptes du polar qu’on dévore goulûment pour se remplir l’estomac, avec moi, vous allez faire fausse-route. J’aime prendre mon temps, peser les mots pour mieux retrouver les saveurs oubliées. J’ai besoin d’un environnement et d’une atmosphère pour installer mes personnages en composant ma petite musique. Égoïstement, j’écris le livre que j’aurais voulu lire. Sur les bases du roman noir et avec les aiguilles de la littérature blanche, je re-tricote mon matériel professionnel pour en faire un nouveau motif, moins tragique puisque désiré, et surtout plus consensuel.

On peut faire du propre avec du sale, du beau avec du laid, on peut même retrouver une certaine innocence dans les tréfonds de l’âme humaine et y voire une lueur, non pas d’espoir mais d’humanité. Écrire, c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour dire ce que je suis tout en étant quelqu’un d’autre. C’est aussi une façon de se ré-enchanter avec de la pudeur, du style et de la gourmandise. Le lecteur jugera. Mais puisqu’on m’a dit : carte blanche, il aurait été malvenu de n’être pas vrai et sincère, quitte à passer pour présomptueux.

Dans Fils de personne, j’ai décidé une nouvelle fois de me faire plaisir tout en abordant la thématique des enfants nés sous X. Il m’est arrivé, au cours d’affaires criminelles, de rencontrer des enfants devenus adultes nés sans connaître leurs origines (témoins, victimes, jamais de criminels). Ces personnes m’ont laissé quelque chose de durable, une émotion intense, en me dévoilant une douleur retranchée, une profonde souffrance, malgré leur incroyable capacité à tenter de vivre normalement. Il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir partager cette intimité et d’entendre ces lourds secrets. On en ressort bouleversé, un peu comme on sort d’une salle d’autopsie. En rentrant à la maison, on se dit qu’on a le devoir d’être encore plus heureux, par respect pour eux.

Dans le roman policier, il n’y a aucun thème de banni. On peut tout aborder, tout traiter, y compris les pires sujets. En quelque sorte, c’est le « tout est permis » des Frères Karamazov.

Bien entendu, rien de personnel dans ce livre même si en écrivant un roman, on y met beaucoup de soi, disséminé dans chacun des personnages, dans les décors tout autant que dans les situations. Ici, encore, « tout est vrai et rien n’est vrai ! », comme le faisait dire, dans L’Étranger, Albert Camus à l’avocat de Meursault au cours de son procès. Chaque instant, je l’ai vécu mais l’histoire n’est que le fruit de mon imagination.

Le Prix du Quai des Orfèvres (PQO) procure une visibilité sans pareil, tant dans les librairies que dans les médias. C’est une référence. Il est considéré par certains comme « le Goncourt du roman policier ». Je l’avais dans un coin de ma tête depuis plusieurs années mais je ne voulais pas me précipiter. Mes précédents ouvrages ne rentraient pas totalement dans les critères du PQO. Ils étaient des romans policiers, certes, mais pas que... Souvent, le lecteur de polar me reproche de faire des digressions qui nuisent au rythme de l’enquête. De son point de vue, il a raison. Ces digressions pour le lecteur sont en fait des respirations pour le policier et une mise en abyme pour l’auteur. Car le policier n’est pas un surhomme. Il n’est pas policier H 24, il a aussi une vie à côté. Par ailleurs, si on s’intéresse fort justement au criminel, on a tout autant à apprendre d’une victime, d’un témoin ou d’une personne que l’on soupçonne mais qui s’avère finalement être innocente. L’enquête policière, certes, mais dans l’enquête d’une vie ! Donc, il m’arrive parfois de « digresser », ce qui peut perturber le spécialiste du roman policier voulant absolument retrouver les codes du genre qu’il apprécie.

Avec Fils de personne, une fois écrit, je me suis rendu compte que ces « digressions-respirations-mises en abyme » étaient moins présentes. Cette fois, je rentrais davantage dans les cases et il me semblait avoir une histoire originale pouvant séduire le jury du PQO, avec des personnages animés de trajectoires de vie façonnant leur destin.

C’est donc une double satisfaction d’avoir obtenu ce prix : me faire plaisir en écrivant le livre que j’aurais voulu lire et obtenir une reconnaissance tout en restant fidèle à ma façon d’écrire.

Je vous souhaite autant de plaisir à me lire que j’en ai éprouvé à écrire."

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

Relecture et mise en page Ph.P 

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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