Nouvelle chronique sur la page Culture et justice : Les littératures du crime au Québec par notre ami Michel Roberge
15 – Un philosophe conteur d'histoires, le Fred Pellerin* du polar québécois (Jean-Jacques Pelletier)
Jean-Jacques Pelletier est né à Montréal. Il réside actuellement à Lévis. Il détient une maîtrise en philosophie de l’Université Laval de Québec et a enseigné la philosophie de 1970 à 2004 au cégep Lévis-Lauzon. Il a également participé à plusieurs reprises aux négociations du secteur public québécois. Collaborateur de la revue « Alibis », dont il était un des fondateurs, il y tenait une chronique épisodique intitulée « La réalité, c’est pire ». Il est aussi l’auteur de nombreux articles dans des revues et des périodiques.
« Attentif à l’univers des médias, des arts et de l’informatique, les romans de Jean-Jacques Pelletier s’intéressent aussi de façon particulière à l’embrigadement idéologique, à la manipulation des individus et des foules ainsi qu’aux différentes formes d’exploitation. Ils mettent en scène des intrigues internationales qui dépeignent différents discours de pouvoir ainsi que leurs effets dans la société. »
Sa production littéraire est impressionnante, incluant des écrits proprement financiers, entre autres sur la gestion des placements. Il accumule depuis 1993 de nombreux prix et autres distinctions :
1993 : Premier prix au concours de nouvelles de Radio-Canada pour la nouvelle La bouche barbelée
2004 : Prix du roman policier de Saint-Pâcome pour le roman Le Bien des autres
2010 : Invité d’honneur du Salon du Livre de Montréal
2010 : Président d’honneur du Salon du Livre de l’Outaouais
2011 : Récipiendaire du Mérite du français dans la culture
2012 : Mention d’excellence de la Société des Écrivains francophones d’Amérique pour l’essai intitulé Les Taupes frénétiques.
2013 : Finaliste au Prix du Gouverneur général du Canada pour La Fabrique de l’extrême
2014 : Finaliste au Prix du Gouverneur général du Canada pour Questions d’écriture
2018 : Prix du roman policier de Saint-Pâcome pour le roman Deux balles, un sourire
Chez Jean-Jacques Pelletier, le désir d’écrire est né du « plaisir d’imaginer des histoires quand j’étais enfant, lorsqu’il n’y avait personne pour m’en raconter. Et du plaisir de lire » comme il le mentionnait dans une entrevue publiée dans L’actualité en 2014. Et il ajoutait, sur son rituel d’écriture :
« Jamais chez moi. Toujours dans un café, un bar, un resto… Toujours avec un porte-mine. Le traitement de texte, c’est une deuxième étape. Il en va de même pour chacune des réécritures : interventions manuscrites sur le texte imprimé (ajouts et ratures), puis saisie des modifications à l’ordinateur… Et pourquoi écrire avec un porte-mine, pourquoi pas avec un stylo ? Parce que l’écriture à la mine permet d’effacer, ce qui améliore la lisibilité du brouillon et des modifications subséquentes. »
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Entre 1998 et 2009, Jean-Jacques Pelletier a publié le cycle des « Gestionnaires de l'apocalypse » mettant de l’avant ses préoccupations sur la géopolitique, le terrorisme et l’environnement. Cette série a fait l’objet d’un mémoire de maîtrise en études littéraires d’Isabelle Piette à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) intitulé La mise en scène du néolibéralisme dans le cycle Les gestionnaires de l'apocalypse :
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La Chair disparue. – Beauport/Lévis : Alire, 1998/2010. – 494 pages.
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L'Argent du monde – Volumes 1 et 2. – Beauport/Lévis : Alire, 2002/2010. – 835 pages.
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Le Bien des autres. Volumes 1 et 2. – Lévis : Alire, 2003/2004/2011. – 1022 pages.
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La Faim de la Terre. Volumes 1 et 2. – Lévis : Alire, 2009/2011. – 1134 pages.
De 2011 à 2015, il se lance dans l’écriture de « La trilogie Natalya et Victor Prose », des romans qui prennent une orientation davantage polar :
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Les Visages de l'humanité. – Lévis : Alire, 2011/2014. – 556 pages.
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Dix petits hommes blancs. – Montréal : Hurtubise, 2014 / Lévis : Alire, 2019. – 617 pages
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Machine God. – Montréal : Hurtubise, 2015 / Lévis : Alire, 2019. – 486 pages
Depuis 2016, Jean-Jacques Pelletier fait découvrir à son fidèle lectorat son policier vedette dans la série des « Enquêtes d'Henri Dufaux » :
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Bain de sang. – Montréal : Hurtubise, 2016 / Lévis : Alire, 2020. – 451 pages.
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Deux balles, un sourire. – Montréal : Hurtubise, 2017 / Lévis : Alire, 2021. – 385 pages
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On tue... – Lévis : Alire, 2019. – 651 pages.
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Rien… – Lévis : Alire, 2023. – 562 pages. Avis de lecture
Les thèmes évoqués dans les romans de cet auteur lévisien ont été abordés de façon plus explicite dans une série d’essais consacrés à la montée aux extrêmes dans les sociétés occidentales contemporaines :
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Les Taupes frénétiques. – Montréal : Hurtubise, 2012. – 456 pages.
La montée aux extrêmes : essai panoramique. Émissions de télé extrêmes (Extreme makeover, Relooking Extrême, Les Camionneurs de l’extrême)… Sports extrêmes, combats extrêmes (The Ultimate Fighter, Xtreme Fighting Championships, World Extreme Cagefighting)… Produits et promotions super, hyper, extra, giga, méga… Tout n’est que superlatifs et inflation verbale.
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La Fabrique de l’extrême. – Montréal : Hurtubise, 2012. – 320 pages.
Les pratiques ordinaires de l'excès : essai panoramique. L'extrême se manifeste partout dans l'univers du spectacle, cela va de soi. Il faut sans cesse capter l'attention, la retenir. Chaque spectacle doit éclipser la concurrence. Il faut frapper fort, encore plus fort, toujours plus fort.
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La Prison de l’urgence. – Montréal : Hurtubise, 2013. – 200 pages.
Néo-Narcisse est la nouvelle forme sociale montante, la nouvelle figure qu'emprunte l'individu pour s'insérer - et tenter de prospérer - dans un monde de plus en plus extrême.
Des études sur Simenon, sur Conan Doyle et sur le polar, publiées dans la revue « Alibis », ont aussi accompagné une réflexion sur son propre travail d’écrivain qui a donné naissance à un essai « conçu à partir d’un échantillonnage de 50 questions posées par des lecteurs, l’ouvrage est un passionnant vade-mecum pour quiconque s’intéresse à l’expérience d’écrire et à ces créateurs qui la poussent au point d’en faire un métier. Il aborde toutes les facettes d’un univers fascinant : techniques, anecdotiques, intellectuelles, autobiographiques. Le tout livré avec l’esprit analytique de l’auteur et son ton savoureux » :
Questions d’écriture – Réponses à des lecteurs. – Montréal, Hurtubise, 2014. – 260 pages.
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Quatre autres romans s’ajoutent à l’œuvre littéraire de Jean-Jacques Pelletier :
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L'Homme trafiqué. – Longueuil : Le Préambule, 1987 / Beauport : Alire, 2000. – 368 pages.
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La Femme trop tard. – Montréal : Québec Amérique, 1994 / Beauport : Alire, 2001. – 456 pages.
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Blunt - Les Treize Derniers Jours. – Beauport : Alire, 1996. – 509 pages.
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Radio-Vérité - La radio du vrai monde. – Lévis : Alire, 2018/2022. – 330 pages.
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En concomitance, l’œuvre romanesque de Pelletier est complétée par la publication de quelques nouvelles :
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La Bouche barbelée. – Nouvelle qui a remporté en 1993 le concours de nouvelles de Radio-Canada.
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L'Homme à qui il poussait des bouches. – Québec : L'instant même, 1994 / Intérieurs, BQ, 2018. – 106 pages.
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L'Assassiné de l'intérieur. – Québec : L'instant même, 1997 / Lévis : Alire. Nouvelles, 2011. – 211 pages.
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Intérieurs. – Montréal : BQ, 2018. – 152 pages.
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En marge de l'apocalypse. – Lévis: Alire, 2021. – 252 pages.
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Le site web de La plume volage nous décrit le processus d’écriture de Jean-Jacques Pelletier dont certains romans peuvent atteindre 1500 pages, ce sur quoi, en 2009, il avouait à la blague : c'est parce que j'ai beaucoup coupé !
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Il se fait des fiches et décrit l'histoire de chaque personnage, même les personnages tertiaires.
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Il fait des plans. Plusieurs plans. Dans ceux-ci, il ne va jamais trop loin dans ses idées, pour se laisser de la place pour la créativité. Lors de l'écriture, il intègre parfois des nouvelles de l'actualité.
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Un exemple de plan : 1er plan = 4 pages. 2e plan = 15 à 20 pages, divisées par jour. 3e plan = Chaque jour est divisé en scènes principales. Selon lui, le plan aide à ne pas se perdre dans la scénarisation du roman.
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Aucun minimum ni maximum de mots par jour. Advienne que pourra!
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Il aime la collaboration avec son comité de lecteurs. Il découvre grâce à eux les failles et leurs questions l'aident énormément à avancer.
Lorsque le journaliste de L’actualité lui demandait quelle était l’idée la plus fausse qu’on puisse se faire d’un écrivain, Jean-Jacques Pelletier répondait :
« Tout ce qui tourne autour de l’inspiration, de l’être à part… Bref, tout le mythe romantique associé à l’écriture. Écrire, ce n’est pas «se laisser aller» à l’inspiration, c’est travailler à la fabrication de ce qu’on pourrait appeler des «machines textuelles». Des machines à provoquer des émotions, des idées, des images. Bref, des machines à faire réagir au moyen des mots écrits. »
Pour en connaître davantage sur ce grand maître de la mouvance thriller international/politique/espionnage/polar, une excellente entrevue réalisée le 2 mars 2023 par Nicolas Auclair-Tremblay est disponible sur le site de la revue Le Crachoir de Flaubert.
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* Fred Pellerin, célèbre conteur, écrivain, scénariste et chanteur québécois particulièrement connu pour ses histoires à la frontière entre réalité et imaginaire.