Portrait du jour :  Valérie Morice "La Traque, l’affaire Dupont de Ligonnès"

Nouveau portrait du jour : Valérie Morice 

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Valérie Morice

L'interview est réalisée par notre ami romancier Christian Dorsan

Bienvenue  Valérie sur le très prisé et discret Culture et justice

La Traque, l’affaire Dupont de Ligonnès.

"Il y a des faits divers qui marquent par la froideur de l’exécutant ou par les conditions sordides de l’acte en lui-même. Le fait divers qui a secoué Nantes le 21 avril 2011 s’est passé dans un quartier tranquille, dans une maison bourgeoise. Cinq corps d’une même famille sont découverts morts sous la terrasse. Manque dans ce décompte macabre, le père. Il est alors le suspect numéro un. Les éditions Petit à Petit ont décidé de raconter la suite de cette découverte, la traque de Dupont de Ligonnès, sous forme de roman graphique. Pour la partie scénario, c’est Olivier Petit, l’éditeur lui-même, qui s’est attaché à rendre les étapes de cette traque unique et riche en rebondissement et c’est Vincent Valette qui après Bashung et Terres d’accueil signe une troisième collaboration avec cette maison d’édition. Et c’est Valerie Morice qui a été sollicitée pour réunir la somme des documents, une tâche fastidieuse, un travail de fourmis qu’elle nous livre pour notre site.

Comment s’y retrouve-t-on dans tout ce qui a pu être publié sur cette affaire ?

Cette question est très pertinente car je me suis justement aperçue au cours de discussions avec mon entourage que chacun n'avait pas la même perception ni la même compréhension des faits : il paraît que, j'ai entendu dire que, ce n'est pas ce que j'ai lu etc... Ajouté à cela le fait qu'avec les réseaux sociaux, beaucoup de fausses rumeurs et de conspirations ont circulé. Il était donc temps de remettre les pendules à l'heure et de proposer avec Olivier et Vincent un vrai travail de synthèse et de recherche. Pour cela j'ai dû recouper les articles de presse, les magazines, les livres qui ont traité de cette affaire et qui parfois se contredisaient. Dans le doute, on s'abstient, donc si certains détails de l'affaire restaient flous et ne pouvaient être affirmées, je ne les traitais pas. La partie documentaire que les lecteurs retrouveront à la fin des chapitres décrit les faits avec précision (parfois à la date et heure précise). Ils retrouveront également des conseils de lecture, s'ils souhaitent approfondir leurs connaissances.

Olivier Petit vous a-t-il donné des directives ?

Les directives de l'éditeur et la seule dirais- je, étaient de vérifier mes sources et de m'assurer de la fiabilité des informations. Cependant il m'avait aussi conseillé de ne pas tomber dans le pathos ni dans le "glauque". C'est d'ailleurs pour cela que nous n'avons pas jugé bon de revenir sur la manière et la façon dont cette famille a été assassinée. Je pense que dorénavant tout le monde le sait et c'était hors propos puisque nous souhaitions que ce Docu-BD mette en exergue le travail d'enquête et non l'assassinat en lui- même. N'oublions pas qu'il y a toujours des proches qui souffrent et l'éditeur s'est voulu très respectueux de la famille.

Comment s’est effectué la répartition du travail entre vous trois ?

Olivier Petit avait déterminé une série de chapitres qui ont été amenés à évoluer au fil des mois. Mon travail consistait à aller chercher toutes informations qui avaient attrait à chaque chapitre (articles, vidéo, documentaires, interviews) ce qui lui permettait de construire son scénario. Il le renvoyait ensuite, à Vincent, avec des références photo et idées de cadrage ainsi qu’un petit avis sur les personnages en scène. Vincent lui renvoyait ses croquis, puis après discussion réalisait les planches finales.

Comment expliquez-vous cette fascination sur cette affaire ?

Tout d'abord, beaucoup de nantais ont réalisé que ce "fait divers" s'était déroulé près de chez eux et que cette histoire hors du commun n'arrivait pas que dans les fictions. Cette fascination peut être tout d'abord expliquée par le fait que 12 ans plus tard il est toujours introuvable et que cette disparition a été "parfaitement" bien orchestrée. Pour autant les actes qu'il a commis n'ont rien d'admirables et l'éditeur tient à souligner que ce Docu-BD n'a pas pour objectif de le mettre sur un piédestal, loin de là. Ensuite, nous nous interrogeons également sur l'élément déclencheur qui l'a fait basculer de l'autre côté, fait passer du père de famille aimant à celui d'assassin. Dans la plupart des drames familiaux que l'on nomme aussi homicides altruistes, le père de famille élimine ses proches sans chercher à les cacher et se suicide dans la foulée. Xavier Dupont de Ligonnès lui, a choisi de les enterrer et de s'enfuir. Pourquoi ? Enfin, nous ignorons s'il est mort ou vivant. De mon point de vue, toute cette série d'interrogations est la source d'un tel intérêt pour cette affaire.

Avez-vous une idée ou une certitude sur le parcours de Dupont de Ligonnès ?

Mon idée qui n’est pas une certitude, est qu’il ne s’est pas enfui par les airs. Il a plutôt pris la mer, ce qui est moins risqué pour se faire repérer. Je ne le vois pas fréquenter un aéroport, c’est d’ailleurs ce qui nous a interloqué lors de sa fausse arrestation à Glasgow en 2019 (nous en avons à ce titre, fait un chapitre). Comment aurait-il pu se faire piéger aussi « bêtement » après tout le mal qu’il s’était donné ! Ce ne pouvait pas être lui. Il n’est certainement plus en Europe, probablement sur un continent comme les Etats-Unis ou l’Australie et il a bénéficié d’une aide extérieure, surtout financière. XDDL est un homme caméléon avec un physique passe-partout. De nombreuses photos l’ont montré crâne rasé, avec la moustache, le bouc, avec ou sans lunettes. Je ne crois pas qu’il ait eu recours à la chirurgie esthétique. C’est un homme qui a vieilli, il a désormais 62 ans, la nature a également fait son œuvre et il peut donc se fondre dans la masse plus facilement qu’en 2011.Tout la problématique réside dans le fait que si certaines personnes l’ont cru encore vivant des années après sa fuite, rien ne peut confirmer qu’il le soit toujours. Comme tout être humain, il n’est pas à l’abri d’un accident ou d’une maladie. S’il est vivant il vit en ermite au fond d’un monastère ou chose surprenante, il a refait sa vie sous une fausse identité (Cf chapitre sur John List)."

La Traque l’Affaire Dupont de Ligonnès , éditions Petit à Petit - Sortie le 15 novembre, 19.90€

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Relecture et mise en page Ph.P