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Depuis les années 1990, les historiens de la Guerre froide ont mis en valeur le caractère mondial et total d’un conflit mené à l’échelle de la planète sur des multiples terrains (diplomatique, militaire, mais aussi culturel, économique, etc.) et porté par une grande variété d’acteurs, étatiques ou non. Cette dilatation géographique et thématique s’est accompagnée d’une réflexion sur la place de ce conflit dans l’histoire longue du xxe siècle : celle de la modernisation socio-économique, de la domination des pays du Nord – dont font partie les deux Grands – sur ceux du Sud, ou de la compétition entre communisme et capitalisme.
Afin que dilatation ne soit pas synonyme de dilution, la Guerre froide se perdant alors dans ses versions locales ou devenant une étiquette générique pour qualifier n’importe quelle activité humaine se déroulant des années 1940 aux années 1980, nous la définissons ici comme le conflit entre ses deux acteurs primaires, les États-Unis et l’URSS, des lendemains de la Seconde Guerre mondiale aux années 1989-1991.

La Guerre froide fut ainsi une confrontation géopolitique d’intensité variable entre deux pays se concevant comme des puissances mondiales (dès la guerre pour les États-Unis, à partir du milieu des années 1950 pour l’URSS), disposant progressivement de tout l’éventail de la puissance (dont l’arme nucléaire, à l’origine d’une hantise inédite de destruction globale) et qui dominèrent par conséquent les relations internationales en structurant par leurs réseaux d’alliance le système international de façon bipolaire.

Sur le plan militaire, si les deux Grands évitèrent tout affrontement direct, leur rivalité alimenta de nombreux conflits civils ou inter-étatiques. Mais la Guerre froide ne fut pas qu’un conflit classique pour la puissance, car elle se doubla d’une concurrence idéologique plus ancienne entre deux pays porteurs d’un projet messianique et d’un modèle politique, économique et social à vocation et prétention universelles. Cette particularité du conflit participe à sa mondialisation, explique la diversité de ses terrains de confrontation où chacun pouvait prouver l’excellence et la supériorité de son système, ainsi que la manière dont il transforma en profondeur les sociétés belligérantes et “façonna le monde” (Odd Arne Westad).

Si la Guerre froide repose donc sur la confrontation globale entre l’URSS et les États-Unis, les apports de la perspective dite péricentrique en ont enrichi la compréhension, notamment en intégrant à l’analyse le rôle des dynamiques locales et des acteurs “secondaires”. En concevant ces États, non comme de simples enjeux de la rivalité américano-soviétique, mais comme des acteurs à part entière, les travaux récents questionnent les ressorts de la mondialisation et de la militarisation de la Guerre froide, interrogent l’existence d’une stricte bipolarité, tout en revisitant la périodisation classique de la Guerre froide construite uniquement sur les tensions américano-soviétiques.

🖊 Justine Faure - Professeure d’histoire contemporaine à l’université de Lille – Membre de l’IRHiS (UMR 8529)

Tag(s) : #Éditions - Librairies - Sites scientifiques
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