Ernest Kallmann et Françoise Lyon-Caen
ont eu une très heureuse initiative en mettant à la disposition des lecteurs français ces souvenirs d’un soldat de Napoléon à l’identité quelque peu spécifique. Jacob Meyer fait en effet partie
des régiments étrangers de la Grande Armée. Originaire d’un village proche de Göttingen, en Basse-Saxe, il est donc natif de ce qui devient le royaume de Westphalie, c’est pourquoi il combat dans
les armées formées dans le royaume de Jérôme, sous les ordres des Français. Il participe même aux deux plus rudes campagnes de l’Empire : celle d’Espagne, puis celle de Russie, sur
lesquelles il livre d’intéressants témoignages.
Certes, comme la plupart des mémoires des acteurs de l’épopée napoléonienne, ceux-ci sont écrits a posteriori et ont été l’objet d’une recomposition du passé lors de leur rédaction,
intervenue sans doute dans les années 1830. Ils apportent néanmoins des indices forts intéressants sur la vie des soldats étrangers des armées de l’empereur. On repère notamment au fil du texte
que le traitement réservé aux troupes allemandes est moins favorable que celui fait aux troupes françaises. Ainsi, durant la retraite de Russie, soins et nourriture vont en priorité aux soldats
français.
Mais Jacob Meyer révèle aussi comment un jeune allemand peut choisir, en 1807, de s’engager comme volontaire par goût pour le service militaire, mais aussi par besoin de trouver un emploi. Son
récit sur le sort des malades dans les hôpitaux de Figueras et de Perpignan est également très éclairant. Et il montre fort bien comment l’armée de Westphalie a été décimée en Espagne. Des
éléments enrichissant la connaissance anthropologique des guerres impériales sont à glaner dans ce texte : sur l’apprentissage du métier des armes et de l’équitation, sur le rôle de
l’alcool, sur les rapports avec les supérieurs hiérarchiques, sur l’environnement sonore lors d’un combat, sur les attitudes devant la faim et la mort durant la retraite de Russie, sur le sort
des prisonniers. Jacob Meyer témoigne également de ce que signifie être juif dans les armées napoléoniennes. Cette appartenance lui permet de bénéficier de la solidarité qui existe entre ses
coreligionnaires : il en va ainsi après son hospitalisation à Perpignan, puis lorsqu’il est fait prisonnier en Pologne.
Ce récit a connu un succès éditorial en Allemagne à la fin des années 1830, où il a fait l’objet de trois éditions successives. Il a été réédité par un petit-fils de l’auteur, en 1934. Puis un
érudit allemand l’a remis à la disposition du public par une cinquième édition en 2004. Mais l’édition présente est la première en français : elle permet de mieux prendre conscience du
cosmopolitisme des armées impériales, tout en restituant ce que furent les guerres de l’Empire pour tous les anonymes de ces armées.
Natalie Petiteau
( Mis en ligne le 12/01/2010 )
Jakob Meyer, soldat de Napoléon -
Mes aventures de guerre, 1808-1813
Autrement - Mémoires/Histoire 2009 / 13 € - 85.15 ffr. / 93 pages
ISBN : 978-2-7467-1330-7
FORMAT : 15cm x 23cm
Traduction d'Ernest Kallmann et Françoise Lyon-Caen
L'auteur du compte rendu : Natalie Petiteau est professeur d'histoire contemporaine
à l'Université d'Avignon.