La citadelle de Saint-Martin, construite par Vauban à partir de 1681, sert dès 1685 de prison royale. Les premiers " pensionnaires " seront des
protestants ayant refusé d'abjurer leur religion après la Révocation de l'Edit de Nantes. Dès lors, régulièrement, la citadelle servira surtout de prison politique, accueillant, notamment le
jeune Mirabeau en 1768. Au moment de la Révolution, une des pages les plus sombres de l'Histoire se déroulera à Saint-Martin. Les prêtres réfractaires seront acheminés de toute la France dans des
conditions épouvantables pour y être entassés avant leur déportation vers la Guyane. Ainsi, dès 1798, les ecclésiastiques sont groupés et leur nombre dépasse le millier car les Anglais empêchent
les départs vers la terre d'exil. Les conditions de détention sont déplorables et beaucoup mourront. Le calvaire ne prendra fin que progressivement, puisque les derniers libérés le seront en 1802
seulement. Quelques années plus tard, un drame encore plus inhumain se jouera là. La situation militaire devenant délicate pour l'Empire, de nombreux déserteurs fuient les armées napoléoniennes
et beaucoup de conscrits refusent de s'enrôler. Entre 1811 et 1812, 10 000 de ces réfractaires seront menés à Saint-Martin où la dureté de la détention en fera périr 3000 ! Au début du Second
Empire, les bagnes d'arsenaux sont supprimés et remplacés par la transportation des condamnés vers les colonies, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie (de 1867 à 1897). En 1852, les départs ont lieu
depuis Brest et Toulon, puis à partir de 1873, le dépôt de Saint-Martin sera l'unique centre de départ pour la Guyane et, pour une partie, celui vers la Nouvelle-Calédonie. Avant cela toutefois,
la citadelle servit encore de prison pour les Communards dont le plus célèbre fut le polémiste Henri Rochefort. On distinguait plusieurs types de condamnés : les déportés politiques, les
transportés et les relégués. Les transportés sont jugés par les cours d'assises et si leur peine est inférieure à huit ans, ils sont soumis au " doublage ", c'est-à-dire qu'ils doivent rester
autant d'années en exil dans la colonie avant de pouvoir rentrer en France. Pour les peines plus lourdes, les condamnés doivent rester définitivement dans la colonie. Les relégués, eux, sont des
récidivistes, souvent coupables de délits mineurs. Après leur peine purgée, ils doivent également séjourner en Guyane jusqu'à la fin de leurs jours. Le jugement prononcé, le détenu est incarcéré
en maison centrale, puis acheminé par le train, en wagons cellulaires, vers la prison de La Rochelle. Après 1933, ces transferts se feront par la route, en fourgons cellulaires, le point de
rencontre des convois étant situé à Usseau, près de La Rochelle. Le lendemain de l'arrivée, les forçats se rendent à pied vers l'embarcadère sur le vieux port où les attendent les vapeurs qui
assurent la liaison régulière avec Saint-Martin. Ce spectacle attire toujours la foule des curieux, venus voir les " vedettes " des cours d'assises, les plus dangereux criminels qui ont fait la
une de la presse avide de faits divers. Plus tard, la traversée s'effectuera depuis le port de La Pallice. Arrivé à Saint-Martin, le convoi rejoint à pied la citadelle où les condamnés
séjourneront de quelques semaines à plusieurs mois. Là, les détenus travaillent, et quinze jours avant le départ, ils sont mis au repos et bénéficient d'un régime alimentaire amélioré. Après
avoir subi une ultime visite médicale et reçut des effets, les forçats sont rassemblés et bénis par le curé ou le pasteur. Ce moment tragique était suivi avec beaucoup d'émotion par la population
locale. Les condamnés embarquent sur des chaloupes à partir du port de la citadelle, puis du havre même de Saint-Martin après 1900. De là, ils rejoignent le bateau-bagne qui attend sa triste
cargaison à quelques encablures. Au début, de vieux navires en bois étaient utilisés, puis à partir de 1891, des bateaux mieux adaptés effectuent les voyages. Le Ville de Saint-Nazaire, le
Calédonie, le Loire se sont succédés, puis de 1922 à 1938, le Martinière assura le service. Après 1933, l'embarquement avait lieu directement en rade de La Pallice. Le dernier convoi quitte
Saint-Martin en novembre 1938, quelques mois après la fin officielle du bagne. Il faudra attendre 1953 pour que les derniers rapatriés arrivent en France. Le plus célèbre des pensionnaires de la
citadelle a été le capitaine Dreyfus, au début de l'année 1895. La fin du bagne ne signifie pas pour autant la fin de l'activité carcérale de la citadelle. Les lieux, occupés par les Allemands
pendant la guerre, retrouveront leur destination dès la fin des hostilités. Les relégués seront internés dans la citadelle alors que la caserne Toiras abritera les détenus politiques et ce
jusqu'en 1968. La relégation ne cessera qu'en 1970. A cette date, les deux bâtiments, citadelle et caserne Toiras, seront utilisés comme Maison Centrale pour les condamnés de droit
commun.
Pour en savoir plus : Jambut (Monique). - Le pénitencier de Saint-Martin de Ré de 1685 à nos jours. - La Flotte-en-Ré : France océane, 1998
Auteur de l’article
http://laetima.club.fr/penitencier.html
Le pénitencier de Saint-Martin-de-Ré : De 1685 à nos jours
De Monique Jambut
Editeur : Éd. France océane
Parution le : 1998
Itinéraire d'un instituteur : La Petite Roquette, St.Martin de Ré...
http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-29540376.html
" À la fin de l'année 1912, l'instituteur est nommé au bagne de Saint-Martin de Ré. Il reçoit l'ordre du ministère de la Justice de fournir une notice sur l'histoire de ce bagne et son fonctionnement. Les recherches de l'instituteur sont vaines; les archives du bagne de Saint Martin ont brûlé dans un incendie en 1861. Il se charge alors de réaliser une note de présentation et fait faire ces dessins des cellules, version avec ou sans chaînes..."
Les forçats de Saint-Martin-de-Ré : (1912 -1919)
http://storage.canalblog.com/13/71/534743/32403845.pdf
" Saint-Martin-de-Ré n'est pas seulement une prison, c'est également une forteresse militaire. À la veille de la première guerre mondiale le statut de la citadelle est en discussion. Au mois d'avril 1914, le départ de la garnison est décidé et le directeur du Dépôt cherche à récupérer les lieux. Il propose de réunir à St Martin les forçats comme les relégués. Au mois de juillet suivant, il intervient encore pour essayer d'obtenir le maintien des forçats dans les lieux alors que le plan de bataille français, le « Plan XVII » du Maréchal Joffre prévoit leur transfert vers Thouars à l'intérieur des terres..."
Quel avenir pour le bagne de Saint Martin de Ré?
http://storage.canalblog.com/26/34/534743/32405151.pdf
Martinière, le transport des forçats (1910-1955)
http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-29422804.html
Prisons anciennes (67)