Marthe Richard est associée à la fermeture des maisons closes. Une vie qui mérite le détour!
A quoi tient la renommée? Les bordels ont fait celle de Marthe Richard puisque c'est à la loi qui les ferme en 1946 que son nom est attaché. Voilà qui est d'ailleurs assez fort si l'on s'avise, avec Elizabeth Coquart, dans un livre alerte, que la loi n'est pas sa loi et que le nom qu'elle porte n'est pas le sien!
Marthe Richard, née Betenfeld, en 1889, dans une petite ville de Lorraine, et morte à Paris en 1982 en vieille dame fort digne, est un personnage insolite de notre petite histoire. Dès avant 1914, elle est une personnalité notoire. Tout au long de son existence, elle retiendra l'attention des gazettes, défrayera les chroniques mondaine, politique, policière, judiciaire, littéraire même si l'on veut bien y inclure les livres qu'elle commet sur sa propre vie, bref, on dirait aujourd'hui de Marthe Richard qu'elle est un people, c'est-à-dire quelqu'un qui non seulement est connu mais qui réussit à faire profession de l'être. La jeune Marthe aura eu bien du mérite pour parvenir à ce résultat.
Milieu modeste, sinon pauvre, pas d'études, exode vers la ville où elle officie comme prostituée - en 1946, ses adversaires se régaleront de l'exhumation de ses débuts dans la vie active - et puis cocotte, prince charmant, beau mariage, il y avait, en ce temps-là, d'autres moyens que l'école pour faire fonctionner l'ascenseur social! Voilà donc Marthe, épouse Richer, qui sort de l'anonymat en devenant, en 1913, une des toutes premières femmes détentrices du brevet de pilote d'avion. A ce premier registre de notoriété, elle ajoute celui de l'espionnage. Devenue veuve, on la retrouve pendant la Première Guerre mondiale agent double à Madrid, attirant dans ses rets l'attaché militaire allemand. Elle échappe au sort funeste d'une Mata Hari et l'entre-deux-guerres la voit décorée de la Légion d'honneur, remariée richement, puis à nouveau aviatrice et à nouveau veuve tandis que sa notoriété s'entretient désormais de la mise en valeur dans la presse d'une vie à l'intérêt limité mais dont, par chance, quelques plumitifs lui font l'avantage de discuter l'authenticité.
Tout cela n'aurait cependant pas suffi si Marthe, devenue Richard et conseillère de Paris à la Libération, ne se trouvait associée à la discussion sur la fermeture des maisons dites de tolérance. C'est l'Assemblée constituante, dont elle n'est pas, qui adopte la mesure, mais son nom s'y trouvant attaché, la voilà repartie pour la gloire. On peut la lui souhaiter éternelle, ne serait-ce que par la grâce de l'immortel calembour qu'elle aura inspiré à Antoine Blondin: «Marthe Richard, la veuve qui clôt» !
Un destin hors du commun par Marc Riglet - Lire, mai 2006
Marthe Richard, de la petite à la grande vertu
Elisabeth Coquart
Essai (broché). Paru en 04/2006
Editeur Payot
Il y a près de soixante ans, le 9 avril 1946, l’Assemblée nationale décidait la fermeture des maisons closes sur l’ensemble du territoire français. Une femme a donné son nom à cette loi : Marthe Richard (1889-1982). Elle a été aviatrice, espionne, résistante… et prostituée. En dehors des mémoires très fantaisistes de l’intéressée, aucune biographie n’avait encore été consacrée à cette femme caméléon libérée des carcans et des préjugés, armée d’une ambition de fer et d’un grand sens de l’opportunisme.
À seize ans, pour fuir la misère, Marthe Betenfeld se prostitue à Nancy. Un client, Henri Richer, tombe amoureux d’elle, l’enlève et l’épouse. La jeune fille passe des bas-fonds à la bonne société de la Belle Époque, mais ni l’équitation ni la conduite automobile ne la satisfont : en 1913, elle décroche son brevet de pilote et voltige dans les meetings.
La Première Guerre mondiale devrait lui briser les ailes : le ciel est interdit à l’aviation civile, le mari est tué au front, l’armée refuse d’engager une femme. Alors la lutte sera souterraine : Marthe devient espionne en Espagne, elle est l’agent S.32 ou encore l’Alouette.
Les Années folles la couvrent de gloire. Elle épouse un officier britannique qui décède après deux ans de mariage, reçoit la Légion d’honneur, sillonne la France aux commandes d’un avion prêté par l’État. Ses aventures sont portées à l’écran, avec Edwige Feuillère dans le rôle de l’espionne.
En décembre 1945, et malgré un itinéraire assez confus dans la France de Vichy, elle est élue au conseil municipal de Paris en tant que résistante sous le nom de Marthe Richard. Elle s’engage alors dans la lutte contre les maisons closes et la police des mœurs, mais tandis qu’elle parle d’asservissement des femmes, l’ensemble de la classe politique pense épuration, lesdites maisons ayant accueilli l’occupant à bras ouverts. Marthe Richard, qui n’est pas l’auteur de la fameuse loi, sera pourtant considérée comme la seule responsable de la fermeture. Elle se découvre alors de nombreux ennemis prêts à tout pour la compromettre, et ce pour les trente-cinq ans qui lui restent à vivre…
Espionnage et espionnes de la Grande Guerre
http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/
Les espionnes dans la Grande Guerre
http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-27535537.html