Mardi 6 décembre, France 3 diffuse le film "Louis XI, le pouvoir fracassé", réalisé par Henri Helman et François Santamaria. Docteur en histoire médiévale, Didier Le Fur nous en fait la critique.
Faire un film historique est toujours une gageure. Henri Helman, aidé de François Santamaria, a tenté l’aventure. A la reconstitution fidèle, autant que faire se peut, des derniers jours de Louis XI que l’on connaît fort bien par ailleurs, il a préféré le romanesque tout en imaginant servir la mémoire du souverain.
Mais voyons plutôt : Août 1483. Le roi, âgé et affaibli par la maladie, apprend que son gendre le duc d’Orléans, et plusieurs grands seigneurs, malcontents de sa politique qui n’aurait favorisé que les humbles et les bourgeois envisagent de l’assassiner. Évidemment, le roi « renard » déjouera le complot, mais il succombera finalement dans les bras de ses filles, Jeanne d’Orléans et Anne de Beaujeu. Et c’est à cette dernière qu’il confiera la régence du royaume pendant la minorité du futur Charles VIII afin qu’elle poursuive son œuvre présentée comme utile à la construction de la France.
Passons sur ces anachronismes en tout genre : costumes farfelus et décors peu sûrs même s’il est difficile de retenir son sérieux devant la leçon de géographie du roi présentant une carte de France pareil à celle de nos manuels, alors qu’il ne disposait d’aucune représentation de son royaume, ou devant ce portrait sensé figurer Charles VIII et qui n’est autre qu’une image de Charles Quint.
Passons également sur les clichés tous aussi risibles sortis des gravures de Job montrant Louis XI au milieu de ses « fillettes », cages à oiseaux suspendues au plafond dans lesquelles il aurait enfermée ses victimes, et qui ne furent que des cellules fermées, ou bien encore ces hommes torturés pour on ne sait quelle raison et qui auraient peuplé les sous terrains du château royal.
Passons aussi sur les incohérences historiques telle cette Jeanne d’Orléans auprès de son père alors qu’elle ne le revit jamais depuis le jour où il la relégua dans le Berry à l’âge de 5 ans ; cette même Jeanne partageant la chambre de son époux, Louis, comme un couple banal alors que leurs rencontres furent rares, toujours forcées, et que leur mariage n’aurait jamais été consommé ou bien encore cette prétendue régence d’Anne de Beaujeu qu’elle n’a jamais exercé dans les faits.
Passons toujours sur les ignorances de la politique de ce souverain obsédé par la conquête du duché d’Orléans – qui est déjà du domaine royal ! – pendant que l’on passe sous silence les acquisitions de la Provence, du Roussillon et de la Franche comté.
Passons encore sur ces conseillers appelés ministres, totalement improbables puisque l’on y trouve notamment François II de Bretagne.
Passons enfin, sur l’image d’Anne de Beaujeu, droit sortie de l’imaginaire de Michelet, douce femme, amoureuse en secret du duc d’Orléans, mais qui devient un tyran castrateur lorsqu’elle se sait maître du gouvernement, (A vous faire craindre toute femme au pouvoir !)
Mais ne passons plus sur le sens de cette fable déguisée en thriller maladroitement inspirée des écrits et des idéaux des historiens du XIXe siècle qui nie avec désinvolture les travaux de tous ceux qui depuis plusieurs décennies déjà besognent sur ce règne. De quel droit peut-on affirmer qu’un roi (que les auteurs de ce film connaissent visiblement bien mal, dont ils manipulent les intentions et justifient la tyrannie aussi légèrement) aurait été un bien pour la France ? Sur quel système de valeurs se place-t-on pour émettre de tels jugements ? Quelle est cette démarche qui consiste à faire du faux grossier et prétendre rétablir la vérité en affichant par ailleurs une conception bien partisane du gouvernement d’un état ? Lire la suite