Histoire d'une famille presque comme les autres : les Deibler, une
dynastie de bourreaux entre 1825 et 1939.
Les apaches de l'entre-deux-guerres l'appelaient « la bécane à Deibler ». La bécane, c'était la guillotine. Deibler, c'était le bourreau. La familiarité de ce sobriquet - et de nombreux autres comme « la veuve », « la veuve à Deibler », « la bascule à Charlot » - exorcisait la peur de ceux qui étaient potentiellement passibles de la peine de mort tout en marquant leur appartenance à une sorte d'aristocratie du crime. Mais qui était ce mystérieux Deibler ? En fait, il y en eut plusieurs. Il a toujours existé des dynasties de bourreaux. Ainsi les Sanson sous l'Ancien Régime et au-delà de la Révolution (jusqu'en 1847). C'est que le métier est particulier et suscite de l'effroi. L'État employeur ne saurait recruter un nouveau bourreau par voie de concours ou de petites annonces. Du coup le métier - car c'en est un - devient une affaire de famille et même un secret de famille. D'une certaine façon, l'État, en acceptant la cooptation, met ce qu'il appelle pompeusement les « hautes œuvres » en fermage. Le bourreau en tout cas n'est pas un fonctionnaire. Il y est payé aux pièces, si l'on ose dire. On ne devient pas exécuteur en chef avant d'avoir été longtemps aide-bourreau. C'est le chef qui commande le sinistre ballet et actionne la chute du couperet mais il faut deux aides pour conduire le condamné entravé jusqu'à la planche à bascule et l'y plaquer pour le placer horizontalement, le cou sur la lunette. Il en faut un troisième de l'autre côté de la guillotine qui s'assure que la tête est bien disposée pour recevoir le couperet, avant qu'elle tombe dans...
La bécane à Deibler
Par Claude Quétel
publié dans L'Histoire n° 357 - 10/2010 Acheter L'Histoire n° 357 +
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La revue de presse Aurélie Jacques - Le Point
Sous sa main réputée infaillible dans le maniement de la guillotine, 395 têtes ont roulé dans la sciure. Dont
celles fameuses de Ravachol, Landru ou Gorguloff. Anatole Deibler, le plus célèbre bourreau de la République, a toujours suscité dégoût et fascination. Ses
notes personnelles rédigées entre 1885 et 1939, longtemps tenues secrètes, ont été adjugées 100 000 euros aux enchères, il y a un an. Aujourd'hui, c'est au grand public de découvrir ses «Carnets
d'exécution»... Témoignage historique avant tout, ces carnets nous replongent dans la vie criminelle et judiciaire de l'époque. «Je ne suis qu'au service d'un État de droit, le dernier maillon
d'une chaîne légale», soulignait Deibler. Pour lui, le bourreau n'avait pas plus de sang sur les mains que les jurés d'assises. Eux seuls désignaient ceux qui, pour reprendre les termes de
Clemenceau et, après lui, Badinter, seraient «coupés en deux».
Auteur : Anatole Deibler | Présenté par Gérard A. Jaeger
Date de saisie : 12/10/2010
Genre : Sociologie, Société
Éditeur : Archipel, Paris, France