Document 2008 - Nantes, place du Bouffay, 26 mars 1720 : quatre gentilshommes bretons – MM. de
Pontcallec, de Montlouis, du Couëdic et Le Moyne de Talhouët sont convaincus par un tribunal d'exception du crime de lèse-majesté et félonie. Ils périssent le soir même sur l'échafaud, décapités
à coups de doloire, la hache des tonneliers. Les condamnés, si l'on en croit les juges, ont tenté de soulever la Bretagne avec le concours de l'Espagne, afin de renverser l'autorité du régent
Philippe d'Orléans, oncle du jeune Louis XV.
Étrange procès, et étrange châtiment, dans le contexte de l'" aimable Régence " (1715-1723), réputée pour son ouverture, sa modération et son libéralisme. Étrange affaire, aussi, toute de chevauchées nocturnes, de déclarations séditieuses, de déguisements improbables et de plans chimériques. Au terme d'une enquête approfondie au sein des archives judiciaires (à Paris) et locales (à Nantes, à Rennes, à Vannes), Joël Cornette a reconstitué la conjuration de Pontcallec et fait revivre l'homme auquel son nom est attaché.
Il restitue le cadre des événements : l'affrontement entre une monarchie autoritaire, décidée à fabriquer des sujets obéissants, et une Bretagne insoumise, attachée au maintien de ses privilèges
et de ses libertés. Il en dégage le sens : une réponse, anachronique et utopique, au malaise qui présida, des siècles durant, aux rapports entre le pouvoir et la société, entre le centre de
l'État royal et ses périphéries.
Il redonne son véritable visage à Chrisogone-Clément de Guer, marquis de Pontcallec, chef d'un nom ancien et illustre, gentilhomme irascible, seigneur ruiné et jaloux de ses droits. Il s'attache
enfin à la " seconde vie " de Pontcallec, héros de romans, de complaintes et de l'histoire militante, devenu un symbole d'insoumission et un martyr des libertés bretonnes. De cette survie du
marquis décapité témoignent les nombreuses versions du chant consacré à sa mort, auquel une postface d'Eva Guillorel et un CD réalisé par l'association Dastum redonnent ici toute son
actualité.
Broché
Paru le : 16/10/2008
Éditeur : Tallandier
L'auteur en quelques mots en 2008...
Joël Cornette est professeur d'histoire moderne à l'université Paris VIII - Vincennes-Saint-Denis.
Il est l'auteur de nombreux ouvrages marquants, dont Le Roi de guerre (Payot, 1993, réed, 2000) et Histoire de la Bretagne et des Bretons (Seuil, 2005 ; rééd, " Points-Seuil ",
2008). Il a reçu en 2006 le Grand Prix d'histoire de l'Académie française pour ce dernier livre et l'ensemble de son œuvre.
Accusé du crime de lèse-majesté pour un complot contre le
régent Philippe d'Orléans, le marquis de Pontcallec est décapité en 1720. Récit.
Le 26 mars 1720, sur la place du Bouffay à Nantes, le marquis de Pontcallec et trois de ses compagnons mouraient la tête tranchée. Au temps de « l'aimable Régence » qu'évoque Voltaire dans l'un de ses poèmes, cette affaire apparaît bien singulière : par son archaïsme, par la procédure de justice mise en place, elle s'apparente aux prises d'armes, complots et procès du temps de Richelieu. Et comme au temps de Louis XIII, tout s'acheva par de lourdes condamnations, sous l'incrimination du crimen majestatum , le crime de lèse-majesté, l'incrimination la plus grave, la plus élevée dans l'échelle des délits (on ne les a cependant pas écartelés, puisqu'ils étaient nobles, cf. p. 74 ). LA CONSPIRATION De quoi Pontcallec s'est-il donc rendu coupable ? En 1719, avec quelques dizaines de gentilshommes qui se sont alliés à l'Espagne, il a imaginé un soulèvement de la Bretagne pour renverser Philippe d'Orléans et installer à sa place Philippe V, roi d'Espagne, mais aussi petit-fils de Louis XIV. Dans ses Mémoires , Saint-Simon résume ainsi toute l'affaire : « Les sieurs de Pontcallec, de Talhouët, Montlouis et Couëdic, capitaine des dragons, y eurent la tête coupée. [...] Les prisonniers avaient avoué la conspiration et les mesures prises pour livrer les ports de la Bretagne à l'Espagne, et y en recevoir les troupes, marcher en armes en France, etc., le tout juridiquement avoué et prouvé. On les avait éblouis de les remettre comme au temps de leur duchesse héritière Anne, et de...
La triste fin du marquis de Pontcallec
Par Joël Cornette
publié dans L'Histoire n° 357 - 10/2010 Acheter L'Histoire n° 357 +