On l'appelait le Vert Galant. Mais Henri IV ne faisait pas dans la dentelle. L'époque, il est vrai, n'était point pudibonde
Jusqu'à l'âge de 40 ans, Henri IV a cru « que c'estoit un os ». Il parlait de son sexe. Une de ses maîtresses ne l'ayant pas entendu alors qu'il était venu gratter à sa porte en pleine nuit, il lui offre un heurtoir de bronze de forme phallique et d'une dimension impressionnante qui correspondait à ses royales mensurations. Selon un chroniqueur de l'époque, il « royautait dur de la braguette » alors qu'il n'était encore qu'un polisson seulement promis au trône de Navarre. Henri court les bois et les prés autour du château de Nérac et quelle est la bergère, la gardeuse d'oies, la servante d'auberge ou la fille de ferme qui songerait à se refuser à ce jeune seigneur de bonne mine ? On retiendra Florette, la fille d'un jardinier qui lui donna sa fleur, et une meunière qui jeta pour lui son bonnet par-dessus son moulin.
Dès ses premières armes béarnaises, Henri apparaît comme le Rocco Siffredi du XVIe siècle. Une star du porno qui ne se serait jamais lavée. « Il sentait un peu fort de l'ail et du pied », dit un chroniqueur. Sa première épouse, Marguerite de Valois, la reine Margot, ne le recevait dans son lit qu'avec répugnance et seulement lorsque la politique l'exigeait. Le Béarnais en convient : « ... Poudreux et suant au retour de la guerre, de la chasse ou de mes autre violens exercices, elle avait mal au coeur de me caresser, jusques à changer les draps où nous n'avions demeuré qu'un quart d'heure ensemble. »
Il n'est pas fait pour les lits à baldaquin ni pour les dentelles. Même lorsqu'il sera devenu roi, il restera un baiseur de grand chemin, un prédateur sexuel rôdant de château en chaumière, dont le coeur est quelquefois pris, mais qui préfère les passades aux passions. Entre 1583 et 1587, il est follement épris de Diane d'Andoins, la « belle Corisande », au « teint de lys rehaussé par une chevelure noire». Intelligente et lettrée, elle correspond avec Michel Eyquem, le seigneur de Montaigne. Elle connaît la cour et la noblesse et elle peut donner à Henri de précieux conseils. Elle le pousse à embrasser le catholicisme pour monter sur le trône et rendre la paix au royaume. Fort riche, elle le finance à l'occasion. Mais c'est aussi une amante déchaînée qui envoûte le Béarnais. Et pourtant, en passant par La Rochelle, il ne résiste pas à la fraîcheur et à la beauté de la jeune Esther de Boislambert qui lui donne un garçon qu'il prénommera Gédéon. « Trop tendre du côté des femmes, il était maître de toutes les autres passions, mais était esclave de celle-là. » Ce jugement d' Agrippa d'Aubigné est injuste. C'est celui d'un huguenot offusqué. Esther se voit déjà reine et mère de roi, mais elle se trompe. Chez le Navarrais, la raison d'Etat l'emporte toujours sur le désir.
Gabrielle d'Estrées a cru, elle aussi, devenir reine de France. Gabrielle, Henri l'a soufflée à son grand écuyer, le seigneur de Bellegarde, un de ses plus fidèles compagnons. C'est, disent ses contemporains, « une Vénus picarde aux rondeurs flamandes ». Henri ne lui plaît pas, mais sa famille, qui a de l'ambition et du flair, l'oblige à ne point se montrer cruelle. Elle finira par l'aimer à sa manière, même si elle aura aimé le roi plus que l'homme. Séduit dès le premier regard, le Béarnais n'imagine plus vivre sans elle. «Soyez glorieuse de m'avoir vaincu, lui écrit- il, moi qui ne le fus jamais tout à fait que de vous, à qui je baise un million de fois les pieds. » Devenu roi, Henri la fait presque reine. Un beau jour, il annonce même qu'il l'épousera après Pâques et il va jusqu'à lui offrir comme bague de fiançailles l'anneau de son sacre. Mais l'Europe la rejette et le peuple, pour qui le roi ne peut épouser qu'une princesse de sang, la hait. Les bateleurs de foire la traitent de putain. Le pouvoir royal les laisse dire. Il sait que les amours d'un souverain sont «nationales et non privées». L'Ancien Régime était plus souple que bien de nos démocrates à qui le rire fait peur.
Enhardie, Gabrielle d'Estrées demande le renvoi de Sully qui lui a déplu. Le roi ne le supporte pas. «Pardieu, madame, lui répond-il, c'est trop. Je vois bien qu'on vous a dressée à tout ce badinage pour essayer de me faire renvoyer un serviteur dont je ne puis me passer. » Contrairement aux Bourbons de sa descendance et à certains hommes d'Etat d'aujourd'hui, Henri IV n'a jamais toléré à ses côtés « une première de France » faisant et défaisant les ministres. Gabrielle d'Estrées mourra au cours de nouvelles couches, mais Michelet est persuadé que le Béarnais ne l'aurait jamais épousée, même si Dieu n'avait pas «tout annulé». Il avait déjà pris contact avec Florence où Marie de Médicis, la fille de François, grand-duc de Toscane, était sur le « mercato » complexe des mariages royaux. Ce sera elle la nouvelle reine de France pour le meilleur et pour le pire. C'est la tête et non le sexe qui fait les grands rois.
« Il royautait dur de la braguette... »
François Caviglioli
Semaine du 12 mai 2010
http://hebdo.nouvelobs.com/sommaire/documents/098391/il-royautait-dur-de-la-braguette.html
Connaissez-vous la mère d'Henri IV? Sa sœur, ses épouses? Ses conquêtes, des plus ordinaires aux plus ébouriffantes? On croit les connaître, mais on en sait si peu de choses! Ce livre en dévoile l'essentiel, à travers huit portraits de femmes toutes plus importantes les unes que les autres, qui l'ont guidé, inspiré, influencé, régenté, trahi, entre amour, haine et violence: sa mère Jeanne, très influente et désireuse pour son fils de la plus haute marche du pouvoir; sa sœur Catherine, maltraitée et humiliée; Margot, l'épouse infidèle qui lève une armée contre son mari; Corisande, son premier amour transformé en conseillère politique; Gabrielle, ou l'amour-passion; Henriette la comploteuse qui manigancera un assassinat ; Marie, l'Italienne querelleuse; Charlotte, l'impossible passion, pour qui il va déclarer la guerre; et bien d'autres...
L'une d'entre elles a-t-elle armé le bras de Ravaillac? Toutes ces femmes se croisent et leurs petites histoires vont permettre de mieux comprendre la grande histoire de France. Un ouvrage pédagogique pour vivre au plus près des personnages et des expressions d'époque. Un " livre-réalité " afin de s'immerger dans l'intimité du bon roi gaillard et paillard.
Henri IV et les femmes - De l'amour à la mort
Paru le : 19/01/2010
Éditeur : Sud Ouest editions
Collection : Référence
L'auteur en quelques mots ...
Née dans la ville du bon roi Henri, professeur d'histoire, Marylène Vincent, curieuse infatigable, a réussi le tour de force, après deux années de recherche dans les archives de France et de Navarre, de relater de façon simple et non moins originale l'incroyable et complexe histoire d'Henri IV.