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http://ecx.images-amazon.com/images/I/51OHPK%2Bx-RL._SL500_AA300_.jpgDocument 2007- Entre 1914 et 1918, une rumeur ne cesse d'enfler et - d'occuper les civils, la scène politique et les tranchées : cherchant ou conservant des postes de tout repos à l'arrière, un grand nombre d'hommes se déroberaient au devoir des armes et aux premières lignes meurtrières. On leur donnait un nom : les «embusqués». Si les autres sociétés en guerre ne furent pas épargnées par cette question, ce fut bien en France qu'elle sembla revêtir une importance capitale, au point d'éprouver la cohésion de l'Union sacrée et de saper le moral des combattants. Face à la polémique, le pouvoir organisa donc une «chasse aux embusqués».

Les conduites d'évitement de la guerre soulignent avec force la complexité et l'ambiguïté des comportements humains dans un conflit qui exigea les épreuves que l'on sait. Surgissent alors les ressources sociales ou individuelles, les marges de manœuvre inégales et aléatoires, ainsi que les complicités dont disposaient des citoyens mobilisés mais voulant se soustraire aux activités les plus périlleuses de la guerre.

L'ambition de cet ouvrage est d'expliquer cette rumeur oubliée et de mettre en lumière les ressorts profonds de la société française en guerre.

CHARLES RIDEL, agrégé d'histoire, docteur en histoire, enseigne dans un lycée à Évreux.

 

  • La revue de presse Jean-Pierre Rioux - La Croix du 30 janvier 2008


La force de Charles Ridel est d'abord de montrer qu'à partir de 1917, après le plus rude de la bataille de Verdun en 1916 et les grèves-mutineries de 1917, l'embusquage a perdu de sa véhémence sociale puisqu'il fut douloureusement constaté puis admis que cette guerre longue et de position, cette mobilisation d'un pays tout entier, exigeaient une main-d'œuvre abondante à l'avant, pour assurer la meilleure logistique aux combattants, et à l'arrière, pour renforcer la production industriellement de la force destructrice. «Embusqué» perdit ainsi sa signification première, celle qui avait eu si large cours en 1914 et 1915, quand le mot vint à désigner le soldat qui, sans aller jusqu'au refus d'obéissance, à la désertion ou à l'insoumission, adoptait des stratégies de contournement, de «désertion dans l'armée», en se «planquant», pour se mettre à l'abri de la perception directe de «l'impôt du sang».

 

  • La revue de presse Nicolas Offenstadt - Le Monde du 11 janvier 2008

 

Ces hommes que l'on accusait, à tort ou à raison, de vouloir se soustraire à leur devoir en fuyant les affectations et les positions dangereuses, ont provoqué d'innombrables dénonciations et campagnes de presse, jusqu'à la création d'une Ligue nationale contre les embusqués (1915). Charles Ridel y voit une véritable "obsession" de la France en guerre où la notion d'égalité devant "l'impôt du sang" structure fortement les mentalités...

L'enquête de l'historien s'arrête avec la fin de la guerre. Elle pourrait se poursuivre au-delà tant la figure de l'embusqué revient hanter le monde des anciens combattants. L'embusqué c'est désormais celui qui, n'ayant rien connu du front profite de la victoire et des bonnes places alors que les anciens poilus se trouvent si négligés. Autant dire que le travail de Charles Ridel a su saisir une figure clé et pérenne de la Grande Guerre.

 

  • Les courts extraits de livres : 12/12/2007

 

Extrait de la préface de Stéphane Audoin-Rouzeau, EHESS

Ceux qui seraient tentés de penser que la question des «embusqués» pendant la Grande Guerre constitue un sujet anecdotique en seront pour leurs frais. Le travail exemplaire que lui consacre Charles Ridel montre au contraire que cette question, que l'on pourrait croire d'importance secondaire, constitue au contraire un objet capital. Si «l'embuscage» et les «embusqués» méritaient l'effort d'investigation poussé qui a nourri tout d'abord une très belle thèse de doctorat avant de devenir l'ouvrage que l'on va découvrir, c'est qu'un tel sujet débouche sur une compréhension plus profonde de la société française en guerre et de sa culture de guerre spécifique.

Car la question des embusqués a revêtu une importance capitale aux yeux des contemporains du conflit, au moins jusqu'à l'inflexion de l'année 1916 : cela, Charles Ridel en fait la démonstration parfaite à travers une histoire des représentations de très belle facture. L'auteur montre ainsi à quel point l'embusqué dessine, en creux, la figure archétypale du soldat, tout particulièrement en termes de virilité et d'accès aux femmes : de là procède la dimension cathartique de la figure de l'embusqué pour la communauté combattante. Une image qui se lie d'ailleurs à d'autres figures hautement répulsives, voire anxiogènes, pour la société française en 1914-1918 : celle de l'espion, celle du profiteur de guerre...

Le second intérêt de l'étude de Charles Ridel est de montrer que la question de «l'embuscage» peut jouer le rôle d'un véritable prisme posé, en quelque sorte, sur la société française en guerre : «l'embuscage» - qui concerna d'ailleurs tous les pays belligérants - offre ainsi l'opportunité d'une relecture en profondeur de ce qu'étaient les grands enjeux du conflit pour une société française confrontée à cette immense épreuve.

L'auteur, toutefois, ne se contente pas d'une histoire des représentations. Il sait rendre passionnante la dimension politique et administrative de sa question, extraordinairement complexe, et dans laquelle il fraye son chemin avec une maîtrise rare. Traitant de la crise politique larvée que suscite la question des embusqués dans la France en guerre, tout au moins jusqu'en 1916, il montre en outre que celle-ci fait rejouer le clivage gauche/droite en opposant deux conceptions de l'égalité en termes de prélèvement de «l'impôt du sang». À ce titre, elle touche à l'identité même de la République en guerre.

Constamment, l'auteur se montre attentif aux pratiques, en bâtissant une véritable histoire sociale de l'embuscage. Ainsi lorsqu'il met au jour les stratégies des familles - celle des mères en particulier - pour faire en sorte que la vie de l'un des leurs soit protégée ; ainsi lors de son analyse du «procès des réformes frauduleuses» en 1915-1916, mené à partir des archives judiciaires, et qui constitue une réussite particulière au sein d'un travail exemplaire de bout en bout ; ainsi lorsqu'il reconstitue certains parcours de guerre individuels, suivis pas à pas afin d'examiner les stratégies des acteurs sociaux. L'analyse de la recherche d'embusquage que mène le peintre Fernand Léger constitue à cet égard un modèle d'intelligence historique : jamais, me semble-t-il, le parcours individuel d'un soldat de 1914-1918 n'avait été interrogé de cette manière.

Les embusqués

Auteur : Charles Ridel

Préface : Stéphane Audoin-Rouzeau

Date de saisie : 14/11/2007

Genre : Histoire

Éditeur : Armand Colin, Paris, France

 

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