Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

http://histoirepatrimoinebleurvillois.hautetfort.com/media/01/02/1095861138.jpgDocument 05/12/2011- À partir de l'été 1942, des milliers de jeunes Français des départements d'Alsace et de Lorraine annexés de fait par l'Allemagne nazie, mais aussi des jeunes filles, furent incorporés de force - au côté d'engagés volontaires - dans les unités combattantes et les services auxiliaires de la marine de guerre allemande, la Kriegsmarine, cette arme puissante fière de son histoire et de ses traditions.


De la Scandinavie à la Crète, de la rade de Brest aux côtes soviétiques, sur d'imposants navires de guerre ou dans les redoutables U-Boote, ce sont d'étonnants parcours accomplis sous l'uniforme allemand honni. Ils ont connu la routine épuisante des entraînements à la prussienne, la violence des combats sur tous les fronts, les horreurs apocalyptiques de la fin de la guerre sur la Baltique, mais aussi les moments de détente et la camaraderie, la résistance passive et les désertions malgré la suspicion pesant souvent sur les Malgré Nous, le passage par les camps de prisonniers russes ou britanniques avant des retours parfois tardifs. Telle est la trame de ces destins inscrits dans une histoire qui les dépassait tous et en a broyé beaucoup.


Alors que la mer et la marine ont toujours fasciné et attiré les jeunes Alsaciens et Lorrains, cette page d'histoire pleine d'aventures n'avait jamais été racontée jusque-là, car l'ombre maudite de la croix gammée la recouvrait et empêchait d'en faire un récit serein. C'est le travail qu'a entrepris l'historien Jean-Noël Grandhomme, enrichissant son importante documentation par de nombreux témoignages d'anciens de la Kriegsmarine. Il restitue ainsi, sans tabou ni complaisance, une tragique et passionnante saga collective.

Jean-Noël Grandhomme est maître de conférences en raine à l'université de Strasbourg Membre des comités Mémorial de Verdun et du Musée-Mémorial de Gravelotte. créateur du fonds Malgré-Nous des archives orales du département de la Marine au Service historique de la Défense, ce spécialiste des conflits est l'auteur nombreux livres et articles sur les deux guerres mondiales.


  • Les courts extraits de livres : 05/12/2011

 

Extrait de l'introduction - Le destin particulier des marins Malgré Nous

Lorsque l'on songe à l'Alsace ou à la Moselle, ce n'est pas leur vocation maritime qui vient spontanément à l'esprit. Pourtant - marchands, pèlerins, soldats - de nombreux Alsaciens et Lorrains ont sillonné les mers, certains sont même devenus des «hommes de mer». Dès 1518 « ung gentilhomme de Faerrette » (Ferrette) est signalé parmi les capitaines de l'escorte du convoi qui conduit d'Espagne aux Pays-Bas l'archiduc Ferdinand d'Autriche. Marins des empereurs germaniques, puis des rois de France, ils ont ensuite suivi les vicissitudes politiques de leurs régions aux XIXe et XXe siècles.

Une tradition ancienne et ininterrompue


Terres de frontières, marquées par la présence des casernes - et aussi régulièrement champs de bataille -, l'Alsace et la Lorraine sont traditionnellement des pays de vocations militaires. Cette attirance pour le métier des armes a, depuis longtemps déjà, également revêtu la forme du service dans l'armée de mer. L'éloignement du littoral est sans doute paradoxalement l'une des explications de ce (relatif, mais réel) engouement pour la marine : l'attrait de l'inconnu et de l'aventure joue à plein. Le Hans im Schnockeloch, un personnage imaginaire censé incarner l'Alsacien dans une célèbre chanson populaire, ne se signale-t-il pas par une foncière insatisfaction ? Ce trait de caractère fait de lui un éternel râleur, mais aussi un personnage habité par une perpétuelle «envie d'ailleurs» qui le pousse à reculer les limites de l'horizon : « Dr Hàns im Schnockeloch, hett àlles wàs er will/Un wàs er hett, dus will er nitt/Un wàs er will, dàs hett er nitt » (« Jean, dans (son) trou à moustiques, a tout ce qu'il veut / Et ce qu'il a, il n'en veut pas /Et ce qu'il veut, il ne l'a pas »).


Or, à l'époque des États structurés et des armées permanentes, l'océan n'est plus hors de portée d'un continental. Pour un soldat des armées de terre comme de mer les voyages ne coûtent rien, les vêtements non plus (et, en général, ils plaisent aux demoiselles), le gîte et le couvert sont fournis. Évidemment cela ne va pas sans lourdes contreparties, mais le jeune homme plein d'énergie qui s'engage ne les entrevoit alors que d'une manière très floue : récurer le pont, subir les brimades, recevoir un obus alors qu'il tient son poste de combat ou mourir enfermé dans la salle des machines d'un bâtiment torpillé qui coule. Et c'est sans compter les mauvaises surprises que réservent certaines escales plus ou moins prolongées : les fièvres, la syphilis, le sabre des Pavillons noirs ou la sagaie des Herero.


Marins de carrière ou conscrits, Alsaciens et Lorrains sont présents sur les sept mers du XVIIIe au XXIe siècle. Dans ce cadre, ils participent à des croisières à l'autre bout du monde, à des missions de représentation, à «l'aventure coloniale» de la France et de l'Allemagne, à des campagnes hydrographiques et astronomiques, à des opérations « humanitaires » après des catastrophes, à la « politique de la canonnière » dans les pays sous tutelle occidentale; et enfin bien sûr à des opérations militaires (la guerre des Boxers (1900-1901), plaçant - une fois n'est pas coutume - Français et Allemands côte à côte et non pas face à face). La mer et les airs fascinent comme en témoigne cette photographie prise en 1918 à La Wantzenau : deux enfants jouent à la guerre, l'un habillé en aviateur, l'autre en marin, coiffé d'un calot portant l'inscription SMS (Seiner Majestàt Schiff) Elsass (lancé en 1904).


Des dizaines de milliers d'Alsaciens et de Lorrains prennent part aux deux guerres mondiales aussi bien dans la marine française que dans la marine allemande. Ces derniers sont pour la grande majorité des incorporés de force ou Malgré Nous.

 

Les Malgré nous de la Kriegsmarine

Auteur : Jean-Noël Grandhomme

Date de saisie : 05/12/2011

Genre : Documents Essais d'actualité

Editeur : Nuée bleue, Strasbourg, France

 

http://www.lalsace.fr/fr/images/CD5A3D28-B98D-4D8E-A69B-818D395C5A38/ALS_03/jean-noel-grandhomme-%28a-gauche%29-avec-le-dr-roger-lehmann-l-un-des-malgre-nous-de-la-kriegsmarine-do.jpgLe front russe n’était pas le seul horizon des Malgré-Nous : une partie d’entre eux a été affectée dans la Kriegsmarine. L’historien Jean-Noël Grandhomme leur consacre une étude.

C’est peut-être parce qu’ils sont nés au milieu des terres que les Alsaciens aiment la mer : on en rencontre régulièrement sur les bateaux. Ce fut le cas pendant la Seconde Guerre mondiale, même si, alors, l’embarquement était involontaire : les Malgré-Nous étaient aussi des marins, comme le rappelle, dans son dernier ouvrage, Jean-Noël Grandhomme, spécialiste des deux guerres mondiales et maître de conférence à l’université de Strasbourg.


« Quand on pense Malgré-Nous, on pense infanterie sur le front russe, constate l’historien. C’était la majorité, c’est vrai, mais ce n’était pas du tout systématique. » Selon lui, sur les quelque 130 000 Alsaciens-Mosellans incorporés de force dans l’armée allemande, « entre 5 et 10 % » auraient été versés dans la Kriegsmarine. « Dans beaucoup de familles d’Alsace-Moselle, ça évoque quelque chose. »

 

Quand il travaillait sur les témoignages d’anciens de la Première guerre, Jean-Noël Grandhomme entendait souvent parler de ces marins de la Seconde. « C’était peu connu, mais ça avait l’air important… » Il a décidé de creuser le sujet il y a une dizaine d’années. Il a recueilli environ 130 témoignages (une centaine enregistrés par lui-même, une trentaine par ses étudiants) et en a tiré un « mémoire d’habilitation à diriger les recherches », soutenu à Metz en 2009. Ce livre, Les Malgré-Nous de la Kriegsmarine, en est la version grand public.

 

« On a dit que l’affectation dans la Kriegsmarine était une façon de surveiller les Alsaciens-Mosellans, parce qu’il serait moins facile de déserter sur un bateau. Je n’en suis pas convaincu. Je me demande s’il ne faut pas chercher plus loin que le simple hasard des affectations… » Ce qui paraît certain, c’est que, dans l’échelon de la malchance des Malgré-Nous, l’affectation dans la Kriegsmarine était un moindre mal. « On pouvait se faire bombarder, être coulé… Mais il est vrai qu’on sauvait plus facilement sa peau dans la marine que sur le front russe. »

 

Ancien de la Kriegsmarine, le Dr Roger Lehmann, 89 ans, acquiesce volontiers : « Sur le moment, je n’ai pas eu l’impression d’avoir de la chance ! Mais après oui, quand j’ai appris par où étaient passés mes camarades de l’armée de terre… Et j’ai l’impression que la marine était moins nazifiée que les autres corps. » Originaire de Bitche, installé à Strasbourg depuis 1973, Roger Lehmann a été incorporé en 1943, envoyé en Grèce et dans la mer Baltique, et s’est évadé en février 45 grâce à la Résistance danoise. Il « a tiré un seul coup de fusil », mais a quand même dû s’échapper d’un bateau en flammes…

 

LIRE Les Malgré-Nous de la Kriegsmarine, par Jean-Noël Grandhomme, éditions La Nuée Bleue, 430 pages, 25 €.


RENCONTRER Le samedi 17 décembre, Jean-Noël Grandhomme présentera son livre à la librairie Kléber de Strasbourg (de 11 à 13 h, avec Roger Lehmann et Pierre Karli) et l’après-midi à la librairie Wackenheim de Sélestat.

 

Les Malgré-Nous étaient aussi des marins

le 30/11/2011 à 05:00 par Hervé de Chalendar


Jean-Noël Grandhomme (à gauche) avec le Dr Roger Lehmann, l’un des Malgré-Nous de la Kriegsmarine dont il a recueilli le témoignage. Photo Jean-Marc Loos

 
Tag(s) : #Guerre 1939 -1945 - Vichy
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :