Pigalle ; le roman noir de Paris

Pour qui connaissait l'ambiance du boulevard des Allongés (en référence au nombre de règlements de comptes qui le jalonnaient), déambuler aujourd'hui de Barbès à la place Clichy se résume à dresser l'inventaire des déceptions. Le quartier Pigalle est devenu aussi difficile à déchiffrer que les dizaines de Série noire des années 1950, bourrées de «doulos», d'«arcandiers» en proie à la «scoumoune», de «pierreuses», de «lardus»... Les affiches sauvages recouvrent la façade néoégyptienne et ruinée du cinéma Louxor, où je me souviens avoir vu, dans une ambiance de match de catch, «Chronique des années de braise», de Mohamed Lakhdar Hamina. Un self glauque remplace le cirque Médrano, un Monoprix s'est installé sur les caves d'une boîte infernale où, autour de tables en forme de cercueils, l'on buvait de la bière dans des crânes. La fête foraine avec ses hercules, ses femmes à barbe, ses monstres a déserté l'emprise de l'ancien mur des fermiers généraux, un centre commercial ordinaire, enfin, squatte les terrains de l'ancien hippodrome où se dressait le Gaumont Palace, qui, avec ses 6000 places, revendiquait le titre de plus grand cinéma du monde.

Pourtant, la magie de ce nom, Pigalle, opère toujours, et les cars à étage déversent chaque nuit des centaines de touristes à la recherche d'un mythe. Le texte de Patrice Bollon, «le Roman noir de Paris», qui accompagne près de 300 photos crépusculaires, fonctionne comme une sorte de décodeur et nous restitue, rue par rue et presque maison par maison, les éléments qui ont constitué la légende...

• La revue de presse Olivier Delcroix - Le Figaro

À la simple évocation de Pigalle, on imagine souvent des trottoirs luisants de pluie, des néons tremblotants, des bars miteux et autres cabarets aux rideaux défraîchis, où languissent quelques «filles de joie», sous l'oeil des maquereaux et autres caïds cruels... Mais, au-delà du mythe, comment le quartier s'est-il constitué, quelle en a été la véritable histoire ?... «Pigalle est avant tout un esprit, une atmosphère, un quartier à boire et à manger, à s'étourdir et à se laisser aller, à espérer et à désespérer, à vivre et à mourir», écrit Patrice Bollon, dans son nouvel ouvrage, richement illustré, consacré à l'exploration rigoureuse de ce quartier parisien à nul autre pareil. En parfait oiseau de nuit et en émule de Restif de la Bretonne, l'auteur d'Esprit d'époque ou de Morale du masque, sait de quoi il parle. Journaliste, essayiste, critique, notre confrère a toujours confessé un faible pour la nuit, la marge ou la rue, qui offre toujours, selon lui, un formidable spectacle à son oeil exercé de nyctalope. De fait, il radiographie avec rigueur et clairvoyance ce district parisien qui ne manque ni de sel ni de demi-sel, et dont l'atmosphère ne ressemble à aucune autre... Sous la plume soigneuse et inspirée de Bollon, la frontière entre la réalité et la fiction finit par s'amenuiser, tant la noirceur poétique de Pigalle, crevée, ici et là, par le battement d'une enseigne électrique, captive le lecteur. Et si le roman noir était né place Pigalle ?

Auteur : Patrice Bollon

Date de saisie : 02/03/2010

Genre : Photos

Éditeur : Hoëbeke, Paris, France

Collection : Beaux Livres Hoebeke

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