Document 2001 - Depuis deux décennies, l'histoire des institutions policières et celle des migrations
ont été fortement renouvelées.
Le renouvellement de l'histoire des institutions policières a intéressé aussi bien les historiens que les juristes ou les sociologues, voire les professionnels de l'ordre public. Parallèlement,
l'avènement comme champ de recherche à part entière de l'histoire de l'immigration et des étrangers en France a enrichi de questionnements inédits l'étude des populations mobiles, déjà fortement
revivifiée par de nombreux travaux sur les sociétés rurales ou urbaines.
Par la force des choses, ces deux histoires ne cessent de se croiser. Le souci du maintien de l'ordre confronté aux problèmes posés par une société de plus en plus mobile rencontre, à travers la
relation police-migrants, un enjeu essentiel. La circulation et l'installation massive des étrangers sur le territoire français à partir de la fin du XIXe siècle, au moment de la consolidation du
fait national, constitue un paramètre important de la modernisation des institutions au sein de l'État-nation.
À partir de là, interroger de façon spécifique le terrain où se rencontrent ces deux historiographies dynamiques est apparu comme une démarche féconde et nécessaire, puisqu'elle n'avait jamais
été systématiquement conduite. Une trentaine de spécialistes de l'histoire des migrations et de la police, historiens, juristes et sociologues, confrontent leurs analyses dans cet ouvrage qui
espère constituer une étape majeure dans l'évolution d'un vaste chantier aux implications très actuelles.
Nicole Dyonet , Caroline Douki , Marie-Claude Blanc-Chaléard , Vincent Milliot
Broché
Paru le : 11/09/2001
Éditeur : PU Rennes
Collection : Histoire
L'auteur en quelques mots ... Marie-Claude Blanc-Chaléard, Nicole Dyonet, Caroline Douki et Vincent Milliot, qui ont coordonné et présenté cet ouvrage, sont respectivement enseignant-chercheurs à l'université de Paris I, à l'université d'Orléans et à l'École Normale Supérieure-Lettres Sciences Humaines.
« Aucun colloque important ne s’était tenu sur l’histoire de la police depuis celui qu’avait organisé la Société d’histoire de la révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle en 1987.1 C’est dire combien l’organisation du colloque « Police et migrants, 1667-1945 » à l’université d’Orléans les 28 et 29 octobre 1999, dont les actes sont aujourd’hui publiés, représente en soi un petit événement historiographique. Le colloque d’Orléans a le mérite de croiser une histoire de la police, actuellement en plein développement, et celle des migrants, dont une partie – l’histoire de l’immigration – est également très dynamique. Cette rencontre entre police et migrants, si évidente dans la réalité sociale quotidienne, trouve donc enfin une traduction universitaire. Deux traits particuliers renforcent davantage encore l’intérêt de ce colloque, et, pourrait-on dire, son originalité. Le premier est le parti pris d’interdisciplinarité qui favorise des regards croisés d’historiens, de juristes et de sociologues. Plus rare encore est le choix de la transpériodicité que les frontières et les habitudes universitaires rendent souvent peu praticable. Ici, huit modernistes et onze contemporanéistes participent (presque) à égalité à une réflexion de longue durée qui s’étend du XVIIe siècle, et même du XVIe siècle dans la contribution de Jean-François Dubost, jusqu’au milieu du XXe siècle. Le choix des dates d’étude apparaît pertinent. Le point de départ, 1667, est certes davantage un référent symbolique qu’autre chose : il s’agit de la date de la création de la lieutenance de police de Paris, dans laquelle la plupart des spécialistes de la question voient la genèse des institutions modernes de la police française. C’est plus généralement la fin du XVIIe et l’ensemble du XVIIIe siècle qui constituent pour les modernistes présents des moments importants de l’émergence d’une police des migrants et/ou des étrangers. De même la date de fin, 1939 – ou plutôt 1945, pour prendre en compte l’intervention de Phryné Pigenet sur la surveillance policière des réfugiés espagnols pendant la Seconde Guerre mondiale –, renvoie moins à une date précise qu’à l’émergence d’un monde nouveau dans lequel se redéfinissent profondément les conditions de réflexion autour du problème traité par le colloque. Quant au choix de la France comme terrain d’étude, il se justifie amplement par une double spécificité nationale par rapport au reste de l’Europe : la précocité et le poids de ses structures policières d’une part, son caractère ancien et affirmé de pays d’immigration d’autre part… »
Blanc-Chaléard (Marie-Claude), Douki (Caroline), Dyonet (Nicole), Milliot (Vincent), sous la direction de, Police et migrants. France 1667-1939. Rennes, Presses universitaires de
Rennes, 2001, 422 pages.
Pour citer
Pierre Karila-Cohen, « Compte rendu de Marie-Claude Blanc-Chaléard et al. (dir.), Police et migrants…, 2001 », Le Mouvement Social, n° 209 (octobre-décembre 2004)