15/11/2013 - «Après tant d'années derrière les barreaux, je suis loin d'idéaliser ceux que j'ai pu y rencontrer. Toutefois, de nombreux détenus ont des principes. Sont-ils justes du point de vue de la société ? Cela reste à voir. Mais ce sont de véritables principes au nom desquels les gens sont prêts à souffrir. Et pour de vrai.»
Dans cet ouvrage, rédigé lors de ses rares moments de disponibilité en prison, Khodorkovski dresse le portrait de ses codétenus, les prisonniers de droit commun de la Russie d'aujourd'hui. Il en tire des enseignements qui vont bien au-delà d'une simple description du système carcéral.
«À travers ces récits, c'est une vision de la Russie d'aujourd'hui qui apparait en filigrane : un État fondamentalement corrompu, des fonctionnaires véreux.
[...] Une verticale de la corruption économique mais aussi de la corruption des esprits.»
Anastasia et Pavel Khodorkovski
Mikhaïl Borissovitch Khodorkovski, 50 ans, est emprisonné en Russie depuis dix ans. En 2003, il dirigeait l'entreprise loukos, la première société privée du pays, et manifestait des ambitions politiques. Sa dénonciation publique de la corruption dans l'entourage du président Poutine a conduit à son arrestation. Amnesty International le considère comme un prisonnier d'opinion. Son premier procès, en 2005, a été jugé inéquitable par la Cour européenne des Droits de l'Homme. Son second procès (pour les mêmes supposés faits) en 2010, a achevé de convaincre la communauté internationale de l'absence d'État de droit en Russie.
La revue de presse Piotr Smolar - Le Monde du 24 octobre 2013
En Russie, le milieu carcéral est un continent invisible, dont les rares échos alarmistes ne semblent rencontrer que l'indifférence. Le 25 octobre, cela fera dix ans que Mikhaïl Khodorkovski a été arrêté. Dix ans que l'ancien patron du groupe pétrolier Ioukos est pris dans les crocs de la machine judiciaire. Dix ans qu'il dénonce la corruption du régime et l'asservissement des tribunaux. Déjà auteur de Prisonnier de Poutine et Paroles libres, Mikhaïl Khodorkovski signe un bref ouvrage, intitulé Un prisonnier russe, qui est un hommage à des détenus croisés au fil des ans. Non pas que ces détenus furent innocents et purs. Mais la culpabilité devient relative, dès lors que les dossiers de l'accusation répondent à la politique du chiffre ou à des intérêts particuliers.
- Les courts extraits de livres : 15/11/2013
Avant-propos - De l'homme au livre
«On ne peut pas devenir une référence morale pour le peuple russe sans passer par la case "goulag".» Mikhaïl Khodorkovski, au tournant des années 2000, ne se sentait pas l'âme d'un martyr. Patron de la plus importante société privée russe, son ambition le poussait vers l'action politique, à l'occidentale, pas vers la prison. Informé de son arrestation imminente, à l'été 2003, il aurait pu s'exiler, comme d'autres, et profiter de sa richesse pour mener une vie confortable, entouré des siens. Il a, contre toute attente, préféré rester en Russie affronter les juges et, au-delà, le Kremlin. Quand on lui demande aujourd'hui s'il regrette ce choix, sa réponse est sans ambiguïté : un «niet» franc et massif.
Sûr de son bon droit, il envisageait ce procès comme une tribune utile pour défendre son honneur et ses idées. Il n'envisageait pas de gagner, compte tenu de l'absence d'indépendance de la justice dans ce pays, mais il n'imaginait pas non plus passer les dix années suivantes et plus en captivité, ballotté de «camps de travail» en prisons, au gré de nouvelles pantalonnades judiciaires. A l'issue de son second procès, en 2010, il persistait pourtant, face au juge : «Comme tout un chacun, je souffre en prison et je n'ai pas envie d'y mourir. Mais s'il le faut, je n'aurai pas la moindre hésitation : mes convictions valent plus que ma vie.»