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227 – Portrait du jour : Michel Brome-Tonne, l’auteur de “L’envol de la chauve-souris albinos”

Le Carnet de l’histoire de la justice, des crimes et des …développe la rubrique Portrait du jour – Criminocorpus  et ouvre ses pages aux fidèles lecteurs du site.

Pour son 227ème Portrait du jour – Criminocorpus le carnet reçoit Michel Brome-Tonne l’auteur du polar L’envol de la chauve -souris Albinos

Michel Brome-Tonne écrit de la poésie depuis plus de trente ans. Il s’est mis à écrire des romans plus récemment, suite à une hospitalisation et à quelques rencontres décisives. On sait peu de choses sur lui. Son métier d’ingénieur lui a fait passer de nombreuses années à l’étranger, avec sa famille. Aujourd’hui, on le croise parfois dans la région paloise, sur son vélo pliant, à pied sur quelque sentier de montagne ou nageant avec volupté dans les eaux de l’océan.

Bienvenue Michel sur  le blog des “aficionados du crime”. Ph P

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Interview de Michel Brome-Tonne

Michel Brome-Tonne accorde assez peu d’interviews – ce qui nuit certainement à sa notoriété – mais, intrigué, il a accepté de rencontrer notre journaliste Q à l’occasion de la parution de son deuxième polar publié chez Cairn : L’envol de la chauve-souris albinos.

Q : Michel Brome-Tonne, tout d’abord merci d’avoir accepté les conditions de cet entretien.

MBT : Il est vrai que c’est assez inhabituel…

Q : Commençons donc : ce lundi 9 septembre 2019, vous publiez L’envol de la chauve -souris Albinos , votre deuxième polar, édité chez Cairn. Cela montre-t-il votre attachement à ce genre littéraire ?

MBT : Polar… c’est difficile de faire une classification, non ? De mettre dans une case… Et puis, venant de vous, parler d’attachement…

Q : Bon, je vous pose à nouveau ma question, d’une autre façon : vous écrivez un troisième polar en ce moment ?

MBT : J’ai un nouveau livre en cours d’écriture. Quand je termine un roman, j’en ai déjà un autre en préparation. Et encore d’autres sous forme de bribes, de germes. Pas forcément des polars. Je ne sais pas trop dans quelle catégorie classer ce que j’écris, d’ailleurs. Disons un roman, un roman noir, une intrigue…

Q : Sur votre – très succincte – biographie de quatrième de couverture, on lit que vous écriviez de la poésie avant d’écrire des polars.

MBT : Il ne faut pas en parler au passé : j’écris toujours de la poésie. C’est devenu un mode d’expression, depuis que j’ai eu dix-sept ans.

Q : Ça vous est venu comment ?

MBT : J’avais étudié la poésie au collège, au lycée. J’en avais compris les structures classiques. Mais tout cela restait très scolaire : je faisais mes rédactions, mes commentaires composés, en tant qu’élève. Il ne m’était pas venu à l’idée de pouvoir écrire moi-même un poème, ni une histoire, un roman.

Q : Alors ?

MBT : Alors ? Alors, pendant le bizutage de mon année de Math Sup, on nous demanda d’écrire un poème d’amour en alexandrin. Ce n’était pas un travail scolaire, c’était pour la rigolade ! Je me sentais libre, ce ne serait pas noté… J’en ai rédigé un, très naturellement : un sonnet. Un copain de classe était surpris que je puisse écrire un poème aussi facilement. Ça a certainement flatté mon orgueil. J’y ai pris goût (à la poésie, pas à l’orgueil !) et c’est devenu un mode d’expression, de mon humeur, de mes craintes, de mes sentiments…

Q : On est loin du polar !

MBT : Pas si loin. Un poème, pour moi, dans sa forme classique, c’est une construction, un mécanisme. Un concentré d’émotions dans un cadre structuré. J’aime la rime, le rythme, les métaphores, les mots, les images. Un polar, thriller, roman noir – appelez ça comme vous le voulez, moi je n’arrive toujours pas à classer ce que j’écris – a aussi une construction structurée. C’est un mécanisme, au service de l’émotion, du suspens, de l’action. Le polar – ou roman noir – est devenu pour moi un mode d’expression complémentaire, ou supplémentaire, à la poésie. Et ça intéresse davantage les lecteurs, je crois. A part quelques inconditionnels de la poésie.

Q : Et comment êtes-vous « passé » au polar ?

MBT : Suite à une hospitalisation. La première chose que j’ai demandé en me réveillant, c’est mon carnet d’écriture. J’ai écrit un poème au personnel de la clinique. Puis une année est passée. J’allais mieux physiquement mais psychologiquement j’avais un manque. Je souffrais d’un manque. Incidemment j’ai suivi un stage, lié à mon travail. J’y ai rencontré des personnes du milieu universitaire, assez différentes de mon milieu professionnel. J’ai eu l’occasion de déclamer un de mes poèmes, parmi d’autres poèmes de la littérature classique, lors d’une soirée. Ça a été un événement déclencheur. C’était la première fois que je dévoilais un de mes poèmes à un groupe. Auparavant je ne les offrais qu’aux personnes qui me les avaient directement inspirés. Ça a été un acte libérateur. Et quelque chose est revenu en moi, suite à ces rencontres. Et je pense que ça s’appelle le désir. Quelque chose de très positif, une source de vie, un renouveau, une sève. J’ai ensuite cherché à partager mes poèmes, ça me semblait être devenu « nécessaire ». J’ai ainsi rencontré une poétesse de Pau, qui m’a proposé de participer à un concours de poésie. A ce concours, on pouvait aussi proposer une nouvelle. Je me suis dit « pourquoi pas ? » J’ai construit un scénario, écrit huit pages d’une histoire qui se tenait, avec une intrigue, une chute, un narrateur qui s’exprimait. On y voyait apparaître d’autres personnages. J’ai eu envie de leur donner également la parole. Chacun des huit personnages – quatre hommes et quatre femmes – se sont exprimés tour à tour et c’est devenu mon premier roman : Crise de la quarantaine ou l’agenda de Marion, que j’ai publié à compte d’auteur. Je voulais qu’il sorte en même temps que le recueil de poèmes qui avait reçu un prix aux Jeux floraux du Béarn et intéressé un petit éditeur – qui a cessé son activité depuis… et ne m’a jamais versé aucun droit… Après ce premier roman, il me fallait autre chose. J’ai vu l’affiche d’un éditeur qui publiait des romans noirs, où crimes et intrigues ont le rôle principal et qui se passent dans le sud de la France. Ça m’a inspiré. J’ai construit une intrigue, avec un crime fondateur, dont l’action se passe dans les Pyrénées-Atlantiques, avec des personnages venant d’un peu partout – comme j’en côtoie habituellement dans mon travail. J’ai envoyé le manuscrit à trois éditeurs. L’éditeur Cairn m’a répondu positivement, en moins de trois semaines. C’est devenu Quand passent les chocards . C’était en 2017, je travaillais alors déjà sur le scénario de L’envol de la chauve-souris albinos.

Q : Vous mettez combien de temps pour sortir un livre ?

MBT : Jusqu’à présent, six mois de construction de scénario et six mois d’écriture. Plus le travail de l’éditeur, ses propositions, des corrections, des relectures, ça porte à un total d’un an et demi à deux ans.

Q : Vous construisez l’intrigue avant de vous mettre à écrire ?

MBT : Oui, systématiquement jusqu’à présent. Je connais ainsi mes personnages, toute la trame de l’intrigue, je construis mes chapitres et ensuite seulement je me mets à écrire. Des idées apparaissent au fil de l’écriture, mes personnages s’affinent, j’adapte. J’aime la construction de

l’intrigue, le mécanisme, que tout s’emboîte, sans que ce soit prévisible. Et j’aime l’écriture de l’histoire, la concrétisation du scénario, sentir que mes personnages prennent vie.

Q : Quelles sont vos sources d’inspiration ?

MBT : Comme en poésie : une émotion, quelque chose qui capte mon attention, mon intérêt. Puis je tire les fils. Ça vient assez naturellement. Je ne sais pas si j’arriverais à en décrire le cheminement… peut-être dans un environnement d’entretien plus convivial…

Q : Quels sont les auteurs qui ont eu une influence sur vous ?

MBT : Je ne suis pas un grand lecteur. Mais certains livres m’ont marqué. Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, et 1984 de Georges Orwell. Plus jeune, j’aimais lire de la science-fiction. En poésie, ce sont Baudelaire, Gérard de Nerval. Les paroles d’Hubert-Félix Thiéfaine, la voix de Lana Del Rey, la musique de Rachmaninoff. J’aime des films comme Barry Lindon, Little Big Man. Des histoires, des parcours de vie, chaotiques, sur fond d’histoire, réelle ou imaginaire. Maintenant je préfère écrire. Peut-être que j’écris les livres que j’aimerais lire. Oui, c’est bien possible…

Q : On peut en savoir un peu plus sur votre parcours de vie ?

MBT : Certains lecteurs me connaissent. Je crois que ça les perturbe de connaître l’auteur du livre qu’ils lisent, ils n’arrivent pas facilement à m’en dissocier. Je ne pense pas que la relation de ma vie puisse apporter un plaisir supplémentaire au lecteur. Et puis je n’ai pas trop envie de vous raconter ma vie en détail… J’ai un travail, une famille, j’ai vécu à l’étranger, j’ai pas mal d’activités, une conscience environnementale, des gens me parlent, se confient à moi, j’observe, j’écoute. En général. Rien de particulier, de significatif…

Q : Mais d’où vient votre intérêt pour le crime ?

MBT : Je m’intéresse surtout aux personnages. Le crime est une conséquence, une action des personnages. Quel en est le déclencheur, quels en sont les effets ? C’est ce qui m’intéresse. Le crime est un prétexte. En fait j’aime construire une intrigue, dans laquelle mes personnages évoluent, s’engluent ou se débattent, soulevant des questionnements, menant à des remises en question. J’aime faire parler mes personnages. Jusqu’à présent, ils écrivent toujours à la première personne du singulier. Je les laisse s’exprimer. Je sais que je suis derrière chacun d’eux, mais j’essaie de leur laisser une liberté d’expression.

Q : Vous êtes ingénieur de formation. Vous n’êtes pas issu du milieu de la justice, de la police, du droit… Quelle est votre légitimité en tant qu’écrivain de polar ?

MBT : Je vous l’ai dit, je ne sais pas si j’écris des polars ! Mais si mes personnages ont des rapports avec la justice, alors je me documente, je demande conseil. Mais non je ne vais pas décrire par le menu le déroulement d’une enquête, faire un documentaire technique sur des procédures judiciaires ! Ce que j’aime c’est faire évoluer mes personnages, les confronter à des situations inhabituelles. Et parfois ils se heurtent à la justice, aux lois, mais souvent ils se heurtent à des hommes, à des femmes, tout simplement, et leur parcours initial est remis en cause.

Q : Que voulez-vous dire par « ils se heurtent » ?

MBT : Ils tombent amoureux, sont jaloux, ont peur, désirent, regrettent. Ils vivent !

Q : Vous jouiez à quoi étant petit ?

MBT : On change de sujet, là ? Vous êtes psychanalyste ?

Q : J’essaye de comprendre pourquoi vous écrivez ce que vous écrivez…

MBT : Je ne vois pas le rapport. Et puis pourquoi voulez-vous savoir pourquoi j’écris ce que j’écris ?

Q : C’est moi qui pose les questions…

MBT : Bon, écoutez, c’est assez inconfortable et je commence à en avoir marre de cet interview et de vos pratiques. Mais si vous me détachez maintenant je vous promets de répondre.

Q : De toute façon notre entretien touche à sa fin donc, oui, je peux vous détacher si vous le désirez.

MBT : Vous me donnerez quelque chose à boire aussi.

Q : Accordé.

MBT : Vous avez une drôle de personnalité quand même, vous interviewez toujours de cette façon ?

Q : Non, seulement les auteurs de polar.

MBT : Je vous l’ai dit, je ne sais pas si j’écris vraiment des polars !

Q : Si, si : on y a affaire à la justice, à la gendarmerie, la police, il y a un crime… Ce n’est pas le format traditionnel mais on est dans le polar, au sens large. Bon, vos jeux, petit ?

MBT : Ah, oui. Eh bien, je jouais aux lego, je construisais des bateaux de pirates, des vaisseaux spatiaux, des monstres intergalactiques, des maisons piégées aussi, dont le sol se dérobait sous mes personnages. Je jouais aussi beaucoup avec des animaux en plastique, que j’humanisais. Ils effectuaient des récoltes, stockaient de la nourriture, devenaient des soldats que j’équipais d’épées faites d’agrafes martelées, de boucliers confectionnés à partir de capsules, je leur construisais des maisons, fabriquais de l’argent, des potions qui pouvaient les soigner, leur rendre la vie. Un petit groupe prenait le pouvoir, un tyran se mettait en place, la rébellion s’organisait. Ça se terminait dans un bain de sang. Parfois la rébellion était vaincue, ses leaders emprisonnés, puis libérés par leurs partisans. Parfois aussi une attaque extérieure – de cow-boys et d’indiens en plastique – faisaient s’unir les animaux contre un ennemi commun. J’y ai joué longtemps…

Q : Vous ne pensez pas qu’il y a un rapport avec votre travail d’écriture ?

MBT : Si. En vous en faisant la description, c’est ce qui m’est venu à l’esprit. Je créais des mondes, des personnages, des histoires. Vous croyez que c’est ça l’écriture ? L’enfance retrouvée ? Un retour de la créativité de mon enfance ?

Q : C’est moi qui pose les questions… L’entretien est terminé, je vous remercie.

 

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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