Dans l’Italie de la Renaissance, les princes toléraient les Juifs dans la mesure où ils se livraient à des activités bancaires. Cette bienveillance intéressée constitue une particularité dans une Europe marquée par les persécutions et les expulsions.
Fin 1462, le Juif Manno (parfois orthographié Mano) de Pavie est accusé avec son fils d’avoir aidé un autre Juif devenu chrétien à apostasier. L’affaire se déroule dans le duché de Milan, tenu d’une main de fer par Francesco Sforza, qui inspira à Machiavel des pages fameuses du Prince.
Ce Manno est tout sauf un inconnu : il s’agit d’un des plus puissants banquiers au service du duc de Milan. Ce dernier mit à sa disposition une maison et, surtout, lui accorda le monopole sur le prêt d’argent sur l’ensemble du dominion milanais. La trace documentaire des « droits » ou plus exactement des privilèges concédés à Manno par Sforza se trouve dans une condotta, charte d’installation accordée aux Juifs par les princes italiens. Ce document forme le cadre juridique garantissant leur protection, face notamment aux contestations de l’Église, des institutions communales ou de particuliers rivaux...
Mathias Dreyfuss est docteur en histoire de l’EHESS, chercheur associé au CRH-EHESS. Il est spécialiste de l’histoire et de l’historiographie des Juifs en France. Il a publié en 2021 Aux sources juives de l’histoire de France (CNRS Editions) et codirigé en 2022 Juifs et musulmans, de la France coloniale à nos jours (Le Seuil) avec Benjamin Stora et Karima Dirèche. Il est depuis 2021 le délégué adjoint, conseiller éducation, culture, enseignement supérieur et recherche de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH).