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Pour la première fois, les pièces du dossier de police de la plus célèbre des affaires criminelles françaises du XXe siècle sont dévoilées au public. Des premiers soupçons à l'exécution d'Henri Désiré Landru, un matin de février 1922 à «6 h 10 par temps clair», des notes d'enquête de l'inspecteur Jules Belin au compte rendu d'expertise psychiatrique de Landru, les faits et les documents tissent un motif fascinant. Au coeur de la toile, le mystère Landru : un mode opératoire jamais élucidé, l'absence de corps des onze victimes, le refus obstiné de tout aveu, la personnalité magnétique et énigmatique du premier tueur récidiviste français identifié.
Textes d'Éric Yung, commissaire aux côtés d'Estelle Gaudry de l'exposition Landru - 6h 10 - Temps clair (les pièces du dossier) présentée au Musée des Lettres et Manuscrits du 23 mai au 15 septembre 2013.
Éric Yung, écrivain et journaliste, est rédacteur en chef à Radio France et chroniqueur littéraire sur France Bleu Île-de-France.
Fin connaisseur des faits divers contemporains et historiques, il participe fréquemment à des débats télévisés. Il a aussi été commissaire de l'exposition « La science mène l'enquête » au Palais de la découverte à Paris.
Extrait
PROLOGUE
ERIC YUNG : Commissaire scientifique de l'exposition
«Samedi temps clair 6 h 10.» Tracés à l'aide d'une mine de crayon et précédés de la mention «exécuté à Versailles le 25 février 1922», ces quelques mots figurent, pareils à une épitaphe, sur la page d'un des carnets de notes du bourreau Anatole Deibler et sont écrits juste au-dessus d'une vingtaine de lignes rédigées, elles, à la plume trempée dans l'encre noire; le texte est court et résume l'existence d'un des criminels les plus célèbres du XXe siècle : Henri Désiré Landru.
Il est toujours étonnant de remarquer que les contraires ne le sont pas tant que ça. Ici, Landru et Deibler : l'assassin et son bourreau. Ces deux hommes, par la nature sociale de leur position, sont en principe et a priori à l'opposé l'un de l'autre. Eh bien non, au contraire ! Ils partagent bien des points communs, ont, ensemble, quelques affinités. Passons sur les ressemblances anodines que sont, par exemple, leur goût pour l'élégance vestimentaire ou une certaine affection pour l'éloquence ; négligeons aussi le fait - bien que le sujet soit fort intéressant et qu'il faudrait sans doute un chapitre entier pour en rendre compte de façon exhaustive - qu'ils ont été consacrés un nombre incroyable de fois par la chanson, la poésie, la littérature, le théâtre, la télévision et le cinéma. En revanche, notons, pour nous y attarder un peu, les similarités de leurs tempéraments. Ce sont elles - c'est indéniable - qui ont forgé leur réputation. Ainsi, Anatole Deibler avait le souci de ne pas se faire remarquer, un comportement général qui sera «son credo pendant quarante ans» selon l'un de ses biographes. Landru, bien sûr, souhaitait la même chose. Mais l'un et l'autre, malgré leur volonté de rester dans l'anonymat, ont été des hommes (pour des raisons bien différentes) adulés par une opinion publique toujours en quête d'émotions fortes et souvent sensible au charisme de personnalités marginales. Landru et Deibler ne sont pas devenus célèbres de par leur volonté. C'est peut-être surprenant ou en tout cas hors des logiques qui constituent une morale communément acceptée mais - comment le nier ? -c'est la nation française tout entière avec ses petites gens, ses bourgeois, ses nantis, ses artistes et ses intellectuels, avec ses policiers et ses magistrats aussi, enfin c'est le peuple qui a fait de ces deux hommes des vedettes, de véritables «stars» de l'histoire criminelle. C'est lui qui les a, à jamais, installés dans la mémoire collective. Landru, l'assassin est devenu une sorte de héros énigmatique et romanesque, et Deibler un personnage d'exception, un justicier légendaire. Ce n'est pas tout ! En effet, quel est le point fort et surtout symboliquement troublant qui les réunit ? C'est la volonté identique de mettre, par écrit, dans des carnets de notes - et avec un soin semblable - leurs faits et gestes quotidiens tous liés à la mise à mort de leurs prochains. Ce n'est tout de même pas banal ! Or, le bourreau et l'assassin doivent une grande part de leur postérité à leurs seuls carnets de notes. Il y a encore un autre aspect de leur ressemblance que peu de gens ont osé, peut-être par pudeur, souligner. Mais comment ne pas le noter ? Deibler et Landru ont ôté la vie à des hommes et des femmes de la même façon. Ils ont tous les deux découpé des corps humains en morceaux. C'est ainsi ! Certes, il faut distinguer la lame de la guillotine qui tue au nom de la loi et la lame du couteau qui trucide pour des intérêts particuliers, mais la différence est ténue lorsque l'on considère, et le poète nous le rappelle, que «les bourreaux sont des barbouilleurs de lois».
La personnalité énigmatique d'Henri Désiré Landru est notoire et a été l'objet de nombreuses études et oeuvres de toutes sortes. En revanche, l'ampleur exceptionnelle du dossier judiciaire a été très peu soulignée. Une lacune historique étonnante ! Or, par la durée et les difficultés de l'enquête policière, par les moyens techniques et humains qui ont été déployés pour qu'elle puisse favorablement aboutir, par la longueur et la complexité de l'instruction avec, in fine, un acte d'accusation qui a demandé au greffier trois heures entières de lecture à voix haute lors du premier jour de la comparution de Landru, par le procès en lui-même qui a compté vingt audiences riches en incidents et par sa fréquentation assidue des gens du Tout-Paris, qui ont transformé la cour d'assises de Seine-et-Oise en salle de spectacles et immenses réunions mondaines, cette affaire a été et reste sans précédents. Et puis, l'évocation, par une partie de la presse française et étrangère, selon laquelle Landru aurait été victime - voire complice - d'un complot politique (une thèse avancée avec des arguments troublants à défaut d'être sérieux) a ajouté, un peu plus encore, de mystère autour de l'assassin. C'est cet ensemble de faits, réels et imaginaires, qui a entretenu le mythe Landru et fait naître sa légende. Landru, un polar en vrai avec en prime un enquêteur acharné, l'inspecteur Jules Belin qui avait participé au démantèlement, par les armes et le sang, de la bande à Bonnot. Et - caprice du destin ? - c'est Me Vincent de Moro-Giafferi, avocat d'un certain Dieudonné, l'un des hommes, justement, de la bande à Bonnot, qui plaidera la cause de Landru. Belin et Moro-Giafferi : deux hommes qui devront, eux aussi, leur renommée à Landru, ce criminel d'exception qui, hautain, d'un simple geste de la main, a refusé la cigarette et le dernier verre de rhum que lui avait offerts l'assistant du bourreau juste avant de monter les marches de l'échafaud, et ce, au prétexte de ne «pas faire attendre ces messieurs».
Un mot de l'auteur
La personnalité énigmatique d'Henri Désiré Landru est notoire et a été l'objet de nombreuses études et oeuvres de toutes sortes. En revanche, l'ampleur exceptionnelle du dossier judiciaire a été très peu soulignée. Une lacune historique étonnante !
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