Le bagne de Rochefort, à la fois territoire clos et dispositif éclaté dans l’arsenal et la ville, est actuellement un patrimoine disparu : la mémoire des lieux – voire celle de l’institution – a sombré dans l’oubli le plus total, à la différence notable du monument le plus emblématique de la ville, la Corderie royale. Pourtant les deux bâtiments étaient dans le même état de délabrement après les destructions allemandes de 1944.
L’objet de l’article est de retracer l’histoire de ce lieu pénitentiaire qui a accueilli 25 000 forçats entre 1766 et 1852, dont plus de la moitié sont morts en détention. Les bâtiments initiaux, conçus dans l’urgence pour recevoir 600 hommes, furent rapidement doublés durant la guerre d’Indépendance américaine, puis aménagés et complétés, à mesure de l’augmentation des effectifs, jusqu’à l’extension maximale, sous la Restauration.
Le développement de la vapeur et du fer, ainsi que le manque de qualification de la main-d’œuvre des forçats, conduisent à la fermeture du bagne de Rochefort, le premier à être supprimé en France en 1852.
Les locaux du bagne sont alors reconvertis en bâtiments industriels dans un arsenal qui retrouve un second souffle. Cette vocation industrielle, après l’intermède de l’Occupation et celui de la base américaine de l’OTAN, ne se dément pas de nos jours : ce sont des bâtiments du secteur aéronautique (Satys) qui couvrent actuellement le site historique d’un bagne dont Balzac a contribué à faire un lieu mythique.
Agrégé de Lettres classiques
Président de la Société de Géographie de Rochefort
philduprat@wanadoo.fr
Le bagne portuaire de Rochefort (1766-1852) : un patrimoine disparu
Le bagne de Rochefort (Charente-Maritime), qui a fonctionné de 1766 à 1852 au cœur du système productif de l'arsenal, a disparu de la mémoire rochefortaise malgré ses quatre-vingt-deux ans d'...