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Pour que la prison cesse d'être l'"école du crime", Charles X décida la construction de la "Petite Roquette", qui fut la première prison cellulaire inaugurée en France et destinée aux délinquants mineurs. Mais, pourquoi cette prison d'abord prise pour modèle a-t-elle fermée en 1974 ?

 

Les mesures répressives prises par le pouvoir d'État ont souvent été justifiées par des raisons d'ordre humanitaire. Ce fut le cas au 19e siècle lorsque furent construites les premières prisons destinées aux délinquants mineurs. Les réformateurs de la Société royale pour l’amélioration des prisons, fondée en 1819, voulurent mettre un terme à une forme traditionnelle d'enfermement qui regroupait indifféremment les jeunes vagabonds et les vieux bandits. Pour que la prison cesse d'être l'"école du crime", comme on disait alors, Charles X décida la construction de la Petite Roquette, qui fut la première prison cellulaire inaugurée en France.

Le panoptisme, modèle d'une institution disciplinaire

L'architecture s'inspirait du système panoptique imaginé par le philosophe anglais Jeremy Bentham. Le but était de permettre à un gardien, logé dans une tour centrale, de surveiller tous les prisonniers, enfermés dans des cellules individuelles autour de la tour, sans que ceux-ci puissent savoir s'ils étaient observés. Dans son célèbre ouvrage Surveiller et punir, paru en 1975, Michel Foucault a fait du panoptisme le modèle d'une société disciplinaire, dans laquelle le pouvoir consiste à voir tout en restant invisible, c’est-à-dire sans se laisser capter dans le savoir des autres.

Plus de 400 délinquants mineurs furent incarcérés à la Petite Roquette. Il s'agissait souvent de jeunes orphelins ou des enfants naturels, qui avaient été condamnés pour vagabondage et vol simple. Les autorités leur imposèrent d'abord l'isolement cellulaire de nuit, et le travail en commun durant la journée. Mais les résultats n'ayant pas été à la hauteur des espérances, on appliqua à la fin des années 1830, le régime de l’isolement total. Les activités qui nécessitaient un regroupement furent elles-mêmes organisées de façon à ce que l’enfant reste seul. Pour la messe, on aménagea 276 alvéoles où chaque détenu suivait l’office sans apercevoir son voisin. Lors des déplacements dans l'enceinte de la prison, la tête de l’enfant était recouverte d’un capuchon noir qu’il rabattait sur son visage pour ne pas être vu par ses camarades.

"La Petite-Roquette" était devenue un mouroir, certains jeunes tentèrent de se suicider

 

Ce nouveau régime fut à nouveau justifié par des raisons humanitaires. Il s'agissait de sauver l’enfant des influences néfastes de sa famille, de son milieu urbain et de ses copains de mauvaise vie. Les conditions d’hygiène étaient déplorables et l’alimentation suffisait à peine à leur survie. Mais pour ces enfants, le plus difficilement supportable, ce furent l’isolement absolu et la règle du silence qu'on leur imposa. Ils tentèrent de résister à ces formes extrêmes de coercition en couvrant les murs et les latrines de graffitis. Certains d'entre eux tentèrent de se suicider, d'autres participèrent à des émeutes aussitôt réprimées.

Citées d’abord en modèle, les élites prirent conscience que la Petite-Roquette était devenue un mouroir. Le système d’isolement individuel total fut abandonné en 1865 et la prison de la Petite Roquette, fermée en 1974, fut détruite l'année suivante. À sa place, la ville de Paris a aménagé le square de la Roquette. Un panneau rappelle aux visiteurs que, de 1836 à 1929, "furent détenus dans des conditions inhumaines des milliers de jeunes âgés de 7 à 21 ans."

Pour écouter cliquer sur le lien ci-dessous.

 

Tag(s) : #Enfance - Enfants - Mineurs, #Maisons de correction - Bagnes enfants - délinqua, #Prisons anciennes
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