L'affaire Salengro : quand la calomnie tue

23 Février 2011

Document 2011 - Ils sont trois cent mille dans les rues de Lille en ce dimanche tout de gris et de brume pour manifester leur tristesse : dans la nuit du 17 au 18 novembre 1936, Roger Salengro, victime d'une abominable campagne de calomnies et d'outrages, a décidé d'en finir avec la vie.

Son suicide va bouleverser la France. Au-delà de ses péripéties partisanes, locales puis nationales, ce que l'on appelle l'« affaire Salengro », qui ne se limite pas aux articles diffamatoires de Gringoire et d'une presse hostile au gouvernement de Léon Blum, pose crûment la question, toujours d'actualité, de la liberté d'expression. Jusqu'où peut-on aller dans l'invective ?

Cette affaire s'inscrit aussi dans un contexte de crise de l'État qui aboutira aux brouillards de l'Occupation.

Daniel Bermond est journaliste et critique littéraire. Collaborateur de la revue L'Histoire, il a notamment publié plusieurs biographies : Gustave Eiffel (Perrin, 2002), Bartholdi (coauteur avec Robert Belot, Perrin, 2004), Pierre de Coubedin (Perrin, 2008). Il est également l'auteur d'un roman, Mademoiselle R***(Seuil, 2008).

Les courts extraits de livres : 11/02/2011

Salengro et son entourage :

Roger Salengro - Un passé précoce de militant socialiste et d'antimilitariste bien avant 1914. Fiché au carnet B des « fortes têtes » à surveiller en cas de mobilisation, il combat dans l'Artois et en Champagne où, en octobre 1915, il est fait prisonnier. Rendu à la vie civile après son retour de captivité, il se dresse, au sein de la SFIO, contre les partisans de la IIIe Internationale. Maire de Lille en 1925, député en 1928, ministre en 1936 : son parcours, mais aussi son caractère, lui attirent de solides antipathies. A droite et à gauche.

Léonie Salengro - Née Venant, Léonie est issue d'une famille ouvrière du Nord. Elle rencontre son futur mari à Lambersart en 1909. Ils se marient dix ans plus tard, après la guerre. Les rumeurs qui l'atteignent au mitan des années 1920, rapportées par la presse communiste, alimentent ce qui sera l'affaire Salengro.

Henri et Jeanne Salengro - Le frère et la soeur de Roger Salengro, nés en 1904 et 1907, donc beaucoup plus jeunes que lui, forment, avec la mère, le foyer familial originel que le père, représentant en bonneterie, quitte vers 1909. Longtemps secrétaire général de la mairie de Lomme, Henri remplacera son frère, après sa mort, comme député du Nord.

Charles Miens - Instituteur et ami d'enfance de Roger Salengro. Les lettres que celui-ci lui adresse jusqu'à la veille de sa capture par les Allemands, illustrent l'état d'esprit, avant sa mobilisation puis au front, du seconde classe Salengro.

Roger Verlomme - Autre ami d'enfance de Salengro, rencontré au collège Jean-Bart de Dunkerque, il fait carrière dans la préfectorale. Dans le gouvernement Blum, il est le directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur qu'il conseille sur la gestion des grèves et des occupations d'usines durant le printemps et l'été 36.