PAR PHILIPPE POISSON · PUBLIÉ · MIS À JOUR
« Fidèle au rythme de travail de mes parents qui prenaient leur poste à l’usine à cinq heures du matin, je m’assieds à ma table de travail chaque jour à… cinq heures. Aujourd’hui encore. Au temps de mes obligations alimentaires, j’écrivais jusqu’à sept heures, puis je partais assumer mes responsabilités professionnelles. Le soir, je relisais la production du matin, la corrigeais, me remettais ainsi en selle pour le lendemain. Travail d’ouvrier. »
Le Carnet de l’histoire de la justice, des crimes et des …développe la rubrique Portrait du jour – Criminocorpus et ouvre ses pages aux fidèles lecteurs du site.
Pour le seizième Portrait du jour – Criminocorpus la rédaction du carnet est très honorée d’ouvrir ses pages à un ouvrier des lettres et à un gentilhomme Gilles Laporte…
Ce portrait qui suit est à l’image de cette belle journée ensoleillée . Fraternité Gilles. Ph.P.
Issu d’une famille lorraine d’ouvriers de filature, je suis né le 13 août 1945, à Igney, village des Vosges arrosé par la Moselle.
En 1952, résultat du travail passionné de ma première maîtresse d’école qui a éveillé en moi l’amour de la langue et la passion de l’écriture, j’ai reçu en grandes pompes et flonflons municipaux le Prix de lecture du Cours élémentaire première année… un livre : Don Quichotte de Cervantès en édition illustrée pour enfants. Mon premier livre !
Un évènement considérable pour moi car, dans le monde ouvrier de ce temps-là (comme dans le monde paysan), les livres n’avaient pas leur place ! Lire y était considéré comme une occupation de fainéant. J’ai ausitôt lu et relu Don quichotte en me répétant déjà que j’aimerais bien écrire un jour des histoires comme celles-là.
Deuxième évènement considérable : la mort de ma grand-mère paternelle, femme qui avait dû renoncer à une vie rêvée d’institutrice (les filles n’allaient pas encore faire des études à la fin du 19ème siècle !) ; elle était devenue éclusière. Quelques jours après son enterrement, j’ai découvert dans une petite armoire… sa bibliothèque secrète : deux ou trois dizaines de livres soigneusement recouverts de papier brun marqué à l’encre violette, de sa belle écriture calligraphiée, des noms d’auteurs (Hugo, Sand, Balzac, Vigny, Lamartine…) et titres. Surpris, j’en étais à admirer ces livres quand un oncle m’expédia dehors : « Tu n’as rien à faire ici ! Dégage ! » Un garçon de quatorze ans n’avait pas son mot à dire en ce temps-là. J’ai donc dégagé. Le soir-même, j’ai vu cet oncle emplir une brouette des livres de ma grand-mère, entasser Hugo, Sand, Vigny et les autres sous un mirabellier du verger, les arroser d’essence, y mettre le feu. Je n’oublierai jamais les flammes qui montaient dans la nuit naissante, dévoraient Le Meunier d’Angibault et La Mort du loup ! Ce soir-là, j’ai hurlé à mon oncle : « Ce n’est pas bien ce que tu fais ! Un jour j’écrirai des livres pour remplacer ceux que tu as brûlés ! »
Promesse tenue !
J’ai connu les collège de Thaon-les-Vosges et lycée d’Epinal, apprécié les études supérieures de philosophie à la Faculté de Nancy sous la férule d’un professeur/penseur inoubliable : Raymond Ruyer, puis vécu un service militaire et citoyen à l’Ecole d’Officiers de Réserve de Coëtquidan.
« Que du bonheur ! » s’exclameraient entre deux SMS les jeunes de notre temps.
Puis, après un passage dans l’Education nationale, j’ai assumé des responsabilités d’inspection, de direction du personnel et de formation professionnelle, trente-cinq années durant, dans les services (assurances), l’industrie chimique (une colossale multinationale états-unienne), puis dans le monde paysan (Chambre d’Agriculture des Vosges).
Foin du nomadisme délicatement renommé « mobilité » par les grands maîtres de l’économie -inamovibles, eux, attachés à leurs chaire et prébendes-, solidaire de mon sol natal, j’ai tenu à mener mes quarante-cinq années de vie professionnelle exclusivement en Lorraine.
Y suis parvenu !
Depuis la lecture de Don Quichotte que je relis régulièrement avec intérêt et plaisir, j’écris chaque jour.
D’abord des poésies et pastiches de fables, puis quelques nouvelles, puis des pièces de théâtre interprétées avec la compagnie villageoise que j’avais créée à l’aube des années 60 -le Théâtre de la Place-, puis des documentaires régionaux et dramatiques nationales pour la télévision (FR3).
Ma première publication date d’avril 1968.
Fidèle au rythme de travail de mes parents qui prenaient leur poste à l’usine à cinq heures du matin, je m’assieds à ma table de travail chaque jour à… cinq heures. Aujourd’hui encore. Au temps de mes obligations alimentaires, j’écrivais jusqu’à sept heures, puis je partais assumer mes responsabilités professionnelles. Le soir, je relisais la production du matin, la corrigeais, me remettais ainsi en selle pour le lendemain. Travail d’ouvrier.
Écrivain ? Non ! Je tente chaque jour, par mon travail, de le devenir.
Le serai-je un jour ? Dieu seul le sait. Et encore !
Je suis un simple…
OUVRIER DES LETTRES !
Les romans historiques et contemporains, biographies et films, émissions de radio (j’ai créé et animé Parenthèse, aujourd’huiOuvrons les guillemets -RCF) et de télévision (magazine littéraire Pleine page -FR3), dîners littéraires mensuels de l’association Plumes et Saveurs que j’organise et anime… se succèdent, se croisent, se complètent, s’enchaînent.
Incapable de vivre une telle passion sans inviter à la partager, j’ai mis ma plume de raconteur d’histoires au service du cœur, des humbles de partout et de toujours qui n’ont jamais voix au chapitre, des valeurs qui devraient sous-tendre toute vie sociale respectueuse de l’autre.
Les vertus républicaines, la Femme et l’Ecole sont au centre de mes préoccupations d’auteur.
Depuis toujours, convaincu que « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne… » (Victor Hugo) je me tiens à la disposition des écoles, collèges, lycées et universités pour des interventions et animations consacrées à la création en général, la littérature en particulier, à la préparation à la citoyenneté.
Sociétaire de la Société des Gens de Lettres de France (SGDL), de la Société des Auteurs Compositeurs Editeurs de Musique (SACEM), de la Société Civile des Auteurs Multimédias(SCAM), de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD), je suis membre de plusieurs jurys littéraires, dont Erckmann-Chatrian que j’ai présidé durant deux mandats (2009-2015).
Une dizaine de prix m’ont été attribués, et la prestigieuse Académie de Stanislas m’a élu membre Associé-correspondant, tandis que la ministre Aurélie Philippetti me faisait l’honneur de me nommer Chevalier dans l’Ordre des Arts et Lettres (insignes reçus des mains de la ministre Fleur Pellerin à l’Assemblée nationale).
Aujourd’hui, plusieurs éditeurs me renouvellent fidèlement une confiance qui me touche, et publient mes écrits : Les Presses de la Cité, Genèse, Serge Domini, Eska/MA, Aeth…
Je les remercie du fond du cœur.
Et je vous remercie, vous lectrices et lecteurs qui accompagnez tout aussi fidèlement l’ouvrier des lettres que je suis sur les chemins de la vie.
Ecrire et lire, c’est VIVRE et RÉSISTER !
Alors, ensemble…