PAR PHILIPPE POISSON · PUBLIÉ · MIS À JOUR
« Très rapidement, il est apparu que l’expression « guerre des polices » pour décrire les rapports entre agents et militaires des forces de l’ordre n’avait comme fond de vérité que la force de l’habitude consistant à la répéter sans l’interroger. Si cette recherche a d’abord été la rencontre des milliers de policiers et de gendarmes peuplant les cartons d’archives, elle fut aussi la chance de connaître des personnes bien vivantes – à commencer par mon directeur de thèse Jean-Noël Luc, une rencontre cardinale comme pour beaucoup de ses étudiants –, dans les salles de consultation des services d’archives, dans les colloques ici en France ou par-delà les frontières, dans les amphithéâtres de séminaires, sur le net avec Criminocorpus… »
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Le dix-septième Portrait du jour – Criminocorpus comme un bonheur qui n’arrive jamais seul :
Non ce n’est pas le dernier gouverneur de Vincennes de l’Ancien Régime que vous apercevez sur la photographie mais notre ami Laurent López chercheur au Service Historique de la Défense (Département des études, de la recherche et de la symbolique).
Il fête aujourd’hui ses 46 printemps et toute l’équipe de la rédaction de Criminocorpus lui souhaite sincèrement un joyeux anniversaire.
Avec l’historien Pierre Piazza il est un des rares sportifs de haut niveau à graviter autour de Criminocorpus …
Et à titre personnel, j’apprécie beaucoup nos échanges réguliers. Le commandant Laurent López c’est un homme plein d’humour et de culture… Pas étonnant qu’il apprécie dès lors la joyeuse équipe de Crimino. « T’es le meilleur Laurent ». Ph.P.
« En 2001, alors que j’enseignais dans le secondaire depuis quelques temps, j’ai eu envie de renouer avec le monde universitaire et me suis inscrit en troisième cycle à la Sorbonne, sous la houlette de Jean-Noël Luc et Jean-Marc Berlière ; les ouvrages de ce dernier ayant inspiré mon souhait de travailler sur l’histoire de la police. Peu avant, le professeur Luc avait favorisé la signature d’une convention de recherche entre son université et la gendarmerie, récemment nantie d’un Service historique, alors dirigé par le dynamique et infatigable général Philippot, fondateur ensuite et premier président de la Société nationale d’histoire et du patrimoine de la Gendarmerie (SNHPG). Désireux de travailler sur la police, la rencontre avec le professeur Luc a réorienté ma perspective vers l’études des relations entre policiers et gendarmes, sujet médiatiquement rebattu mais qui n’avait pas, ou alors très peu, encore attiré l’attention des historiens. Plus largement, l’histoire sur les forces de l’ordre en était à ses balbutiements au début du XXIe siècle, notamment car cet « objet sale », pour reprendre l’expression du regretté sociologue Dominique Monjardet, dégoûtait la plupart des chercheurs peu enclins à frayer avec les archives de cet « appareil idéologique d’État » pour les uns, celles des « chiens de garde du patronat » pour les autres, des « brutes épaisses et sans conscience » pour les derniers…
Très rapidement, il est apparu que l’expression « guerre des polices » pour décrire les rapports entre agents et militaires des forces de l’ordre n’avait comme fond de vérité que la force de l’habitude consistant à la répéter sans l’interroger. Si cette recherche a d’abord été la rencontre des milliers de policiers et de gendarmes peuplant les cartons d’archives, elle fut aussi la chance de connaître des personnes bien vivantes – à commencer par mon directeur de thèse Jean-Noël Luc, une rencontre cardinale comme pour beaucoup de ses étudiants –, dans les salles de consultation des services d’archives, dans les colloques ici en France ou par-delà les frontières, dans les amphithéâtres de séminaires, sur le net avec Criminocorpus… Certaines d’entre elles sont devenues des amis et ou désormais des collègues, en uniforme ou sans. Des collègues puisque la gendarmerie m’a offert en 2017 la généreuse possibilité d’être recruté au Service historique de la Défense, comme chargé d’études historiques et d’enseignement. En somme de transformer un hobby envahissant d’intermittent de la recherche en activité professionnelle à temps plein pour approfondir l’histoire des forces de l’ordre que je connais tout en l’élargissant à une histoire militaire plus diversifiée. C’est ce qui s’appelle peut-être se faire avaler par son objet d’étude… »
En résumé :
Laurent Lopez est chercheur-enseignant à la Division de la recherche, des études et de l’enseignement du Service historique de la Défense (Vincennes), nommé au grade de commandant au bureau gendarmerie ; il est aussi Professeur certifié de l’Éducation nationale en Histoire et Géographie.
Il est titulaire d’une Maîtrise de Science politique, option relations internationales, d’un CAPES d’Histoire et de Géographie et d’un DEA de Science politique de l’Université Paris I – Panthéon- Sorbonne et école normale supérieure de Cachan.
En 2012, il obtient son Doctorat d’histoire contemporaine de l’Université Paris IV – Sorbonne. Sa thèse s’intitule : La guerre des polices n’a pas eu lieu. Gendarmes et policiers, coacteurs de la sécurité publique sous la Troisième République (1870- 1914). Elle est récompensée du Prix littéraire de la gendarmerie en 2013, dans la catégorie des travaux universitaires.
Ses travaux de recherche portent depuis une vingtaine d’années sur les relations multiples entre les policiers et les gendarmes aux échelles locales, nationale et internationale aux XIXe et XXe siècle.
Quelques-unes de ses publications :
La guerre des polices n’a pas eu lieu. Gendarmes et policiers, coacteurs de la sécurité publique sous la Troisième République (1870-1914), préface de Jean-Claude Farcy, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, coll. Mondes contemporains, 2014.
« Les gendarmes et la création des brigades du Tigre à la Belle Époque »
« La bande à Bonnot : l’assaut final à Nogent (14-15 mai 1912) »,
Le petit mot du Professeur Jean-Noël LUC
Bonjour Philippe,
J’ai pris connaissance avec sympathie de votre fiche académico-policière sur Laurent, agrémentée de clins d’oeil humouristiques.
J’ai hésité à répondre. Pour ne pas abuser de la formule « répondre à tous », qui nourrit un peu plus nos messageries. Car tout est dit : « talentueux », « productif », « sportif de haut niveau « , « plein d’humour », « beau » (ce n’est pas moi qui l’écrit). Enfin, car les remarques positives à mon endroit peuvent être interprétées comme une incitation à la discrétion.
D’un autre côté, vous m’offrez une occasion, non pas de « renvoyer l’ascenseur » (Laurent n’est plus un ancien élève, mais un collègue et un ami, avec qui j’entretiens une relation adulte), mais de souligner – très brièvement – trois points, sans chercher pour autant à prolonger cet échange collectif.
D’abord, la légitimité et la fécondité de l’histoire de « la » police, un terme utilisé ici dans son acception générique. Etudier l’histoire des forces de sécurité permet de disposer d’un nouvel et précieux observatoire sur l’Etat, les pouvoirs, la nation, la société et, en son sein, sur celles et sur ceux qui affrontent les agents de l’ordre, d’un ordre dont je n’ai jamais pensé, personnellement, qu’il était obligatoirement juste. Mais on peut s’intéresser à cette histoire et à ses acteurs, comme à celle de la Justice, et même se passionner, sans se rêver un bidule ou une hache à la main.
Ensuite, la fécondité, encore, d’une ouverture de l’histoire de « la » police à celle « des » polices, et en priorité à la gendarmerie, seule véritable police nationale du pays jusqu’au milieu du XXe siècle et longtemps négligée par les historiens et les historiennes, peut-être trop citadins pour songer que la France existe aussi en dehors des beaux quartiers et du monde étroit des élites.
Un indice drôle mais pertinent de cette ouverture parmi d’autres : l’intitulé de la Lettre de Jean-Marc aux « amis de la police (et de la gendarmerie »). Laurent a été l’un des acteurs de la grande aventure académico-gendarmique,toujours d’actualité, permise par la volonté de l’héritière de la Maréchaussée de travailler avec l’Université. Et il a raison de rappeler le rôle essentiel du général Philippot (général docteur en histoire) dans cette mutation.
Enfin, la fécondité, toujours, d’un véritable élargissement de l’enquête aux interactions entre les forces de l’ordre, plus facile à recommander qu’à mettre en oeuvre. Et Laurent – je n’insiste pas, car on le sait – a été et reste l’un des pionniers de cette démarche.
Amicalement »
Pr . Jean-Noël LUC
Sorbonne Université