PAR PHILIPPE POISSON · PUBLIÉ · MIS À JOUR
/http%3A%2F%2Fcriminocorpus.hypotheses.org%2Ffiles%2F2018%2F08%2F39094953_749006305439171_7410554117459804160_n.jpg)
Alain Roumagnac,, gendarme en unité dédiée à la prévention auprès des jeunes,et, auteur du roman « L’ombre des derniers cathares »
Le carnet de l’histoire de la justice, des crimes et des … développe la rubrique Portrait du jour – Criminocorpus et ouvre ses pages aux fidèles lecteurs du site.
Pour son soixante troisième Portrait du jour–Criminocorpus la rédaction du blog reçoit Alain Roumagnac, gendarme en unité dédiée à la prévention auprès des jeunes et auteur d’un premier roman L’ombre des derniers cathares
À quarante ans, il se lance le défi de l’écriture. Il ne finalise son premier roman, L’ombre des derniers cathares, que dix ans plus tard. Son objectif : saisir le cœur des gens, faire résonner les émotions, en mettant en scène les situations tragiques, éblouissantes, révoltantes qui font vibrer le genre humain.
Installé en Haute-Garonne depuis 2003, il réside désormais à Muret.
Bienvenue Alain sur les pages du blog d’informations du site Criminocorpus
______________________________________________________________________________
« Lâche cette télé ! Il faut que tu lises ! me répétaient sans cesse mes parents, un peu excédés.
Ils n’étaient pas de grands lecteurs, mais la place qu’ils accordaient au livre, passeport de la culture, du savoir, de la maîtrise du verbe qui développe l’imagination, était immense.
Comment exprimeras-tu ce que tu ressens si tu n’as pas les mots ? Si tu n’as pas les mots, par la force des choses tu resteras dans ton coin et tu te tairas, et à force de ne rien dire, tu finiras malheureux ou en colère. Ils avaient raison, d’une certaine façon !
Lire, pourquoi pas, mais quoi ? La jeunesse n’est pas le temps des grands textes, mais celui des mots faciles.
Pas une fête, pas un anniversaire, pas un événement à marquer sans un livre. Je n’étais pas ingrat, j’ai souri, mais je ne savais que faire de ces drôles de bouquins trop sérieux pour le jeune garçon fantasque que j’étais.
C’est par les bandes dessinées que j’ai vraiment accédé au livre. J’y ai passé des heures. Astérix, Tintin, Lucky Luke, les 4 as… Peu de prétendants au prix Goncourt, mais qu’importe. La glace était rompue par le plaisir des mots.
Puis il y a eu eu une rencontre. C’est toujours comme ça. Non pas une rencontre, une alchimie. Elle n’est pas venue par les mots, mais par le petit écran. Encore ! J’ai fait la connaissance d’un personnage immense, le grand Sherlock Holmes. J’étais littéralement subjugué par l’aura de cet homme, le vieux Londres, Scotland-Yard, le 221 b Baker street, le fidèle Watson, madame Hudson, Lestrade… J’en passe. Ils sont trop nombreux ! J’ai appris Londres par Scherlock.
Mais une série télé ne remplit pas une vie.
J’ai tenu à ce que nous fassions mieux connaissance. Le concept de la PAL (la pile à lire) était né. Je me suis procuré d’un coup l’intégrale des écrits du bon docteur Watson, dans une petite librairie de l’avenue Gambetta à Arcachon, qui depuis n’existe plus, je crois. J’étais en vacances, j’avais du temps.
Finalement, j’étais en avance sur mon époque. Mon ami Sherlock n’a pas pris une ride. Cinéma, télévision, des acteurs d’exception, son domicile devant lequel il faut faire la queue pour espérer entrer… Holmes est une star !
Là est né mon goût pour les énigmes criminelles et les polars, d’une façon générale.
Il y avait Sherlock bien sûr, mais il n’y avait pas que ça. La musicalité des mots, les images qu’ils généraient m’arrachaient à mon quotidien. Je vivais la scène de l’intérieur, parfois avec exaltation. Avec mes livres, nous faisions bon ménage. J’ai été une éponge. Avec eux, je me suis enfui. Je suis parti ailleurs.
Mais pourquoi écrire ?
Lire et écrire n’ont que peu de rapport. J’ai des défauts, mais je n’ai aucun orgueil. Une erreur peut-être, je ne sais pas. Me prendre pour ce que je n’étais pas, moi l’élève moyen, trop effacé, aux résultats à peine convenables ? Il n’y avait pas de place pour moi sur cette estrade-là.
Il faut du temps pour que les choses se mettent en place, qu’elles mûrissent, lentement, au vrai rythme des choses.
Ce temps fut celui des choix. Que faire de ma vie pour ne pas la rater ? Un métier où je me sentirais utile, avec mes maigres moyens, un recours dans ce monde où il n’y a que peu de rôles pour les faibles. Alors, je me suis fait gendarme. Est-ce à cause ou grâce à Sherlock ? Je ne pense pas, mais après tout qui sait ?
Sous l’étendard français, j’ai noirci du papier, beaucoup de papier, dans un style qui n’avait rien de littéraire.
La langue française se meurt dans l’antichambre des notaires, paraît-il.
Ce n’est pas complètement faux. Mais les mots engendrent les mots et c’est déjà beaucoup.
Aux premiers cheveux blancs, l’écriture a été comme une graine que tous ces mots accumulés ont semée à mon insu, dans un terrain déjà labouré. Mais une bonne terre ne suffit pas à faire germer la graine. Il faut aussi le courage d’affronter la page, d’une certaine façon.
On parle de crise de la quarantaine. Elle existe. Elle peut sauver ou détruire. C’est un cactus aux pointes acérées qui griffent et écorchent à donner envie de hurler, parce que le compteur tourne et que le temps finira par manquer. Qu’avons- nous fait de tout ce temps ? Que ferons-nous de celui qui nous reste ?
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide, qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est laloi.
Le jour décroît, la nuit augmente, souviens-toi ! Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre sevide.
L’horloge Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal.
Cet homme repose dans mon panthéon.
Finalement, ma crise de la quarantaine a été salutaire. J’ai choisi de m’exprimer, de dire des choses, ou plutôt de les écrire, parce qu’il fallait que ça sorte.
Pourquoi le polar ? Là, je sais pourquoi.
À ma modeste place, j’ai participé à des enquêtes criminelles. Le crime est un désastre sinistre aux dommages collatéraux démesurés, dont bon nombre d’acteurs malgré eux ne guériront jamais. C’était il y a longtemps, mais je n’ai pas oublié l’odeur du sang caillé d’une vie prise à coup de flingues ou de couteau de cuisine, pour un mot de trop, ou un flacon trop vite vidé. Je me souviens des cris et des larmes des familles à qui on annonce que l’horreur a frappé à leur porte.
Ces affaires-là sont de puissants révélateurs du sceptre des sentiments humains les plus nobles et les plus méprisables. Là, j’ai compris que la plus belle part de l’homme, ce sont les sentiments qui l’animent, qui l’émeuvent, qui le révoltent, bref qui le tiennent en vie.
Il n’y a pas de meilleur catalyseur que le polar pour évoquer les sentiments humains, ma véritable source d’inspiration.
Puis tout s’enchaîne. Les premiers mots sont posés. Les personnages prennent vie. Ils finissent par nous hanter. Nous ne les possédons pas, c’est tout à fait le contraire. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu’on leur a donné la vie ?
Vient ensuite le flux et le reflux des mots, la marée du verbe, les doutes, l’aridité, le vertige du vide puis l’abondance et le reflux, encore ! Mais ainsi va la vie, pour tous et pas seulement pour ceux qui écrivent.
Le roman prend corps. La trame s’affirme, elle respire. L’esprit s’emporte et rêve du miracle de la vie par la publication. Mais les naissances n’arrivent jamais sans douleur : sollicitations, désillusions, des réponses laconiques, quand réponse il y a.
Mais alors, je ne vaux rien ? Jusqu’au jour où quelqu’un enfin lit et comprend. Ce jour est le point zéro de l’aventure. Mais ce n’est que le point zéro, car il reste une bataille à remporter, celle de l’adoption du public. Mon vertige à moi !
Mon premier roman, L’ombre des derniers cathares , publié aux Editions Cairn ,Collections Du Noir au Sud et Polar Cairn, sera dans les bacs le 10 septembre. Ce polar, qui plante ses griffes dans l’histoire de ma ville, Toulouse, unit intrigue criminelle, Histoire, mystique, fanatisme sectaire, sensibilité à fleur de peau des personnages, si attachants, et les cathares dont on parle encore, huit cents ans après qu’ils aient été décimés sur les bûchers de l’inquisition.
Ce que je retiens de l’écriture de L’OMBRE DES DERNIERS CATHARES ?
Celui qui écrit trempe sa plume à l’encrier de ses émotions et panse ses propres failles. C’est une école d’humilité d’abord, parce que celui qui écrit est seul, face au vide, et de patience aussi, où tout vient à point, à son moment.
Des projets, j’en ai plein la valise : un tome 2. Il est presque prêt, il attend son heure, mais il y a un temps pour tout. Pourquoi pas un tome 3 ? J’en ai une idée très précise. J’adorerais composer une chanson pour un interprète français, mais avant le futur, il faut faire vivre le présent.
Mon présent ?
Gendarme dans une unité chargée exclusivement de prévention auprès des jeunes, mari, père de famille fier de ce qu’est devenu notre grand fils, passionné boulimique : Sports mécaniques, littérature, cinéma, gastronomie, œnologie, voyages, musique… tout ce qui est un sas vers ailleurs. 50 ans bientôt, mais plutôt bien dans mes baskets. Enfin, je crois ! »