Portrait du jour : Nicolas Verdan, journaliste et romancier - "Le mur Grec"

Nouveau portrait du jour Nicolas Verdan

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Nicolas Verdan

Bienvenue  Nicolas sur sur le blog des Aficionados du crime. Culture et justice.

Interview réalisée par notre ami Christian Dorsan

Auteur prolifique, Christian Dorsan compte à son actif plusieurs romans qui, bien qu’ils explorent des univers en apparence éloignés, n’en partagent pas moins davantage qu’il ne semble au premier abord.

"Publié en Suisse 2015, Le Mur Grec n’a jamais franchi la frontière française. Cette erreur est réparée grâce à l’énergie et la curiosité de Caroline de Benedetti et Emeric Cloche, éditeurs de la collection Fusion chez l’Atalante.

Le Mur Grec est un roman sombre avec un accent particulier, celui de la Grèce, des soubresauts de l’Histoire, de la lassitude de ses habitants et de l’agent des renseignements Evangelos, qui officie depuis ses classes sous les Colonels, qui constate avec amertume, que les pouvoirs passent et les mauvaises habitudes restent.

Le point de départ de cette enquête est la découverte d’une tête sur les bords de l’Evros, rivière frontalière avec la Turquie. Athènes envoie un agent proche de la retraite, Evangelos, enquêter avec consigne d’étouffer l’affaire. Cette enquête va servir le pouvoir en place face au bras de fer entamé avec Bruxelles. Une enquête sombre dans un contexte difficile et presque insurrectionnel, une zone frontalière où échoue la misère du monde et l’humain considéré comme une marchandise de contrebande comme les autres, le désespoir chaque jour déversant son lot de colère et de résignation, les ingrédients de cet excellent livre sont agrémentés d’un style unique, une écriture qui transcrit fidèlement l’ambiance d’Athènes." Christian Dorsan

Journaliste suisse, Grec par sa mère, Nicolas Verdan a accepté de répondre à nos questions pour Culture et Justice

Une enquête sur un crime d’apparence crapuleux qui se transforme en affaire internationale. Il n’y a qu’en Grèce que cela peut se passer ?

Dans un pays comme la Grèce, entaché par de nombreuses affaires de corruption depuis l’avènement de la démocratie en 1974, Evangelos se demande à quoi bon exercer la justice quand celle-ci n’atteint pas le sommet de l’Etat où des politiciens et hommes de pouvoir en général ne servent que leurs intérêts au détriment du pays et des citoyennes et citoyens grecs. Il se protège dès lors de l’amertume et du défaitisme en s’accrochant à une valeur qui m’est également chère: la vérité. Même si celle-ci ne peut pas éclater au grand jour, même si l’entier de telle ou telle affaire ne sera pas dévoilé, l’enquêteur (je suis journaliste) cherche à éclairer les zones d’ombre. Il a besoin de comprendre, de savoir. Bien entendu, il n’y a pas de vérité absolue. La vérité, je le comprends comme la part cachée, honteuse, celle que des forces obscures maintiennent dans le secret. Révéler un dysfonctionnement d’Etat, une dérive des institutions est un devoir moral. Même si la justice ne suit pas.

Evangelos a commencé sa carrière sous les Colonels, que reste-t-il de cette période ? 

Il en reste des secrets de famille, des gênes, des non-dits, des impunités. Le passage à la démocratie s’est fait très rapidement et en 81, déjà, la Grèce a rejoint la Communauté économique européenne. L’examen de conscience collectif a été occulté par la marche enthousiaste et parfois brusquée vers ce qui deviendra l’UE et la zone euro. Le paysage politique grec est marqué par une profonde division entre l’ultra-gauche et le fascisme. Ces forces contraires sont paralysantes et leur origine ne date pas de la période de la junte (1967-1974). Il faut garder en tête la sortie désastreuse de la seconde Guerre, quand, dès 1944 et jusqu’en 1949, la Grèce est déchirée par la guerre civile. Il ne faut pas non plus perdre de vue la position de la Grèce au sud des Balkans majoritairement communistes pendant la Guerre froide, le conflit maritime et territorial avec la Turquie, les relations compliquées entre Athènes et Ankara, membres de l’OTAN et l’affaire de Chypre, jamais résolue sur le plan du droit international.

La situation en Grèce a-t-elle évolué depuis l'écriture de ce livre et sa réédition ?

Si on parle du mur grec, la Grèce envisage de le prolonger… La crise économique et financière est officiellement close. Dans les faits, les Grecs ne vivent pas mieux qu’avant 2009.

Vous partagez votre temps entre la Suisse et la Grèce, qu'est-ce qui vous fascine dans ce pays ?

C’est mon deuxième pays. Ma mère, née en 1944, est Grecque. Je précise l’année car elle aura vécu deux guerres, celle de l’occupation nazie et la guerre civile, ainsi que la dictature des Colonels qui lui a fait perdre son passeport quand elle a eu le « tort » de partir du pays pour épouser un Suisse, mon père. J’ai toujours eu besoin de comprendre mes racines. Je les situe à la fois dans le Péloponnèse de mes origines, dans la ville d’Athènes où je me sens chez moi et dans l’héritage helléniste transmis par mon père suisse. Ma sœur s’est établie sur une île des Cyclades où elle a construit sa vie hors des sentiers battus. J’aime aller l'y trouver, ainsi que sa famille.

Le vrai héros de ce livre n'est-il pas Athènes et les Grecs ?

Athènes et un personnage à part entière. Le regard vif et intelligent d’Evangelos en explore toutes les faces, jusque dans les recoins les plus sombres. A travers lui, je revisite cette ville qui me fascine. Le Mur grec est un roman noir. Autrement dit, il part de la noirceur de cette cité pour en retrouver la lumière. A Athènes, la lumière est toujours belle.

Si vous aimez le dépaysement, l’immersion dans un pays singulier, Le Mur Grec de Nicolas Verdan saura vous satisfaire au-delà de vos attentes car en plus d’une enquête policière, l’auteur se révèle être une belle plume, alliant noirceur et poésie et humanité.

Le Mur Grec de Nicolas Verdan

Edition L’Atalante, collection Fusion 18.050€

Isbn 979-10-360-0125-3

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

Relecture et mise en page S.P. et Ph.P -

Dernière correction le 7 octobre 2022.