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Une rubrique animée par Fatima de Castro  pour Culture et justice

Idée : Un doute raisonnable ?

Argumentaire : présenter mensuellement un fait-divers criminel ancien qui a laissé les contemporains dubitatifs. Soit que l’affaire n’ait jamais abouti ; soit qu’elle ait connu des remises en question tout au long de son déroulement ; soit qu’elle présente des étrangetés permettant par exemple d’opter pour l’accident ou la mort volontaire. Dans tous les cas, le doute doit nimber l’affaire.

But : donner les éléments à l’internaute pour qu’il se fasse sa propre idée et intervienne en donnant son point de vue s’il le souhaite.

 

Le dingo qui mena la justice en bateau

 

Rocher mythique d’Uluru, Australie (©istockphoto.com)

 

"Il est des cadres enchanteurs comme du reste : ne pas se fier aux apparences. Protubérance rouge au cœur du désert australien, Uluru, le rocher mythique des Aborigènes, attire touristes et curieux en tous genres qui viennent sentir la beauté ou les forces spirituelles de ce lieu magique. Tout y semble grandiose, paisible, et pourtant…

En août 1980, la famille Chamberlain, composée des parents et de trois enfants, décide de séjourner au pied d’Uluru, sur un terrain de camping spécialement aménagé pour les touristes. Les clichés de l’époque montrent la mère souriante, promenant dans les sables la petite dernière, Azaria, âgée de quelques mois. Rien ne prédisposait cette famille plus qu’une autre à connaître l’enfer qui va s’abattre sur elle.

Au soir du 17 août, Lindy couche sa fille avant de rejoindre le groupe pour le barbecue du dîner. Au cours du repas, les cris d’un bébé alertent l’assemblée : quelque chose se passe dans le campement. Lindy se précipite vers sa tente, juste à temps pour voir un dingo, chien sauvage australien, en sortir. La mère crie aussitôt « Mon dieu, un dingo a pris mon bébé ! ». Azaria n’est plus dans son lit que recouvre une marre de sang.

Aussitôt, on se met à la recherche d’Azaria. Autour de la tente, les enquêteurs découvrent des traces de canidé. Des vacanciers témoignent avoir entendu les grognements de l’animal. Un peu plus loin, aux traces de pas s’ajoutent celles de sang. Pendant une semaine, trois cents personnes vont tenter de retrouver la fillette, en vain. Seule sa combinaison ensanglantée est retrouvée près du terrier d’un animal. La justice s’interroge. Bien que la première enquête confirme l’enlèvement par un dingo, la Cour suprême doute pour sa part que le chien soit assez fort pour transporter un enfant et le faire complètement disparaître au point qu’il n’en reste aucune trace. Car rien ne sera retrouvé du corps de l’enfant.

La Cour exige une seconde enquête.

En 1982, après une investigation que la mère qualifiera de bâclée, cette dernière est accusée d’infanticide et condamnée aux travaux forcés à perpétuité. Sur quelles bases ? Aucun témoin oculaire n’a été interrogé. Les expertises ont été négligées et s’appuient sur la constatation qu’aucune trace de salive ni aucun poil n’a été retrouvé sur la combinaison du bébé. Par contre, son étude prouve qu’Azaria a été égorgée. Lindy proteste : sur sa combinaison, le bébé portait une veste qu’il faut chercher, mais l’enquête n’en tient pas compte et le tribunal ne la croit pas. On soupçonne un infanticide rituel sous le prétexte que le père est pasteur. Il écope, pour sa part, de trois années avec sursis pour complicité.

Il faut attendre 1986 pour qu’une enquête s’ouvre à nouveau. La veste d’Azaria vient d’être retrouvée au fond d’un terrier de dingo perdu dans le désert. L’affirmation de la Cour suprême selon laquelle aucun dingo ne se risquerait à attaquer l’homme ne tient d’autant plus que, depuis ce drame, d’autres enfants ont été tués par le canidé sauvage. En 1988, Lindy et Michael Chamberlain sont disculpés et réhabilités, mais à quel prix et après quelles souffrances morales ?

Franck Morris, l’un des enquêteurs de l’époque, n’en démord cependant pas : les parents sont peut-être innocents, mais il reste persuadé que dans cette tragédie, la main humaine n’y est pas pour rien. Pour lui, la découverte des vêtements si profondément dans le désert induit un doute raisonnable que le dingo ne peut, à lui seul, expliquer…"

Fatima DE CASTRO

Novembre 2022

 

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

Relecture et mise en page  Ph.P

 

Tag(s) : #Fait-divers criminel ancien, #Coup de coeur du jour
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