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Atelier Nadar, Emile Zola, 1894 (© Ministère de la Culture, MPP)

Une rubrique animée par Fatima de Castro  pour Culture et justice

Fatima de Castro  chargée d’études et passionnée d’histoire aime à mettre en scène un passé pas si révolu que ça. Elle sait entraîner le lecteur dans un ailleurs où tout devient possible. Le combat des femmes pour se faire accepter comme individus à part entière est l’un de ses domaines d’étude privilégié.

Idée : Un doute raisonnable ?

Argumentaire : présenter mensuellement un fait-divers criminel ancien qui a laissé les contemporains dubitatifs. Soit que l’affaire n’ait jamais abouti ; soit qu’elle ait connu des remises en question tout au long de son déroulement ; soit qu’elle présente des étrangetés permettant par exemple d’opter pour l’accident ou la mort volontaire. Dans tous les cas, le doute doit nimber l’affaire.

But : donner les éléments à l’internaute pour qu’il se fasse sa propre idée et intervienne en donnant son point de vue s’il le souhaite.

 

« Demain, nous serons guéris », affirma Émile Zola à son épouse Alexandrine dans la nuit du 28 au 29 septembre 1902. Ce furent les derniers mots prononcés par le grand écrivain naturaliste épris de justice.

Si Émile parla à son épouse cette nuit-là, c’est qu’elle se leva, prise de malaises, pour appeler les domestiques. Croyant à une indigestion, l’écrivain lui demanda de n’en rien faire. Inutile de déranger les gens pour si peu. Le lendemain, 29 septembre, à 9h30, âgé de 62 ans et en pleine gloire, Émile Zola est déclaré mort ; Alexandrine est mal en point mais en vie. Appelés au domicile des Zola, 21bis rue de Bruxelles dans le 9e Arrondissement, les docteurs Rabion puis Lenormand (médecin du commissariat), conclurent à une mort par asphyxie. 

Après un été passé dans leur maison secondaire de Médan (78), le couple rentrait passer l’hiver à Paris. Le fond de l’air étant frais en cette fin septembre, le domestique voulut réchauffer la chambre et alluma un feu de boulets de charbon dans la cheminée. Celle-ci tirait mal, enfumant la pièce. Il décida alors de laisser mourir le feu, ferma la trappe de la cheminée, ouvrit grand les fenêtres pour aérer. Malheureusement, les boulets, eux, continuèrent à se consumer lentement, emplissant insidieusement la chambre de carbone. L’autopsie réalisée le lendemain par le docteur Vibert conclut à une asphyxie au gaz carbonique et à l’acide carbonique. 

Bien avant l’ouverture de l’enquête par le juge Joseph Bourrouillon, le commissaire Cornette se dépêcha de conclure à une mort accidentelle pour ne pas réveiller le climat social à peine apaisé depuis l’affaire Dreyfus, militaire juif condamné pour trahison et dont Émile Zola prit le parti au nom de la justice dans son article « J’accuse… ! » paru dans L’Aurore en 1898. Devenu la cible des mouvements antisémites, Zola se mit à recevoir quotidiennement menaces et insultes. Sa mort n’apaisa en rien ces tensions, la presse anti-dreyfusarde se félicitant plus ou moins satiriquement de la disparition de l’écrivain.

L’enquête adouba officiellement la conclusion du commissaire, le juge validant la thèse de l’accident le 13 janvier 1903. Le conduit de la cheminée aurait été à demi bouché par l’accumulation de suie durant l’été. Cette accumulation aurait été générée par les tressautements dus au passage des voitures à chevaux sur les pavés en bois de la rue. L’affaire est entendue, Zola fut enterré puis panthéonisé en 1908 et la vie suivit son cours.

Il faut attendre 1953 pour voir un rebondissement dans « l’affaire » Zola. Libération publie un article au titre racoleur : « Zola a-t-il été assassiné ? ». Le journaliste Jean Bedel y fit part des révélations faites par Pierre Hacquin, ancien pharmacien. En 1928, lors d’un voyage en train avec un ami, Henri Buronfosse, celui-ci lui avoua sous le sceau du secret être à l’origine du décès de l’écrivain. Ramoneur de son métier, Buronfosse appartenait à l’époque des faits à la Ligue des patriotes, pionnière du nationalisme politique, et en particulier au service d’ordre de cette dernière. Commandité par les anti-dreyfusards, il aurait mis à profit le travail sur une cheminée près de celle de l’écrivain pour boucher cette dernière. Après la mort de Zola, il serait retourné la déboucher. L’idée d’un attentat contre la vie de Zola est loin d’être absurde dans le climat de tension déclenché par l’affaire Dreyfus. En 1901, une bombe avait déjà été désamorcée à son appartement parisien. 

Buronfosse était-il un affabulateur ? Il avait fait promettre à Hacquin de ne pas révéler son nom avant sa mort. Bedel ne le fit connaître qu’en 1978. Autre fait étrange, après la mort de Zola, Buronfosse fit modifier son état-civil pour y ajouter, en troisième prénom, Émile. Clin d’œil à un acte rêvé ou affirmation d’un assassinat planifié ?


Fatima DE CASTRO
Mars 2025

Sources : Articles Wikipédia « Emile Zola » et « La mort d’Emile Zola » ; Nicolas Montard, « Il est mort dans des conditions très suspectes » : l’écrivain Emile Zola a-t-il été assassiné ? », Ouest-France, 25 octobre 2023 ; Henri Mitterrand, « Les dernières heures d’Emile Zola », L’Histoire, n°269, octobre 2002.
 

Tag(s) : #Fait-divers criminel ancien
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