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Une rubrique animée par Fatima de Castro  pour Culture et justice

Idée : Un doute raisonnable ?

Argumentaire : présenter mensuellement un fait-divers criminel ancien qui a laissé les contemporains dubitatifs. Soit que l’affaire n’ait jamais abouti ; soit qu’elle ait connu des remises en question tout au long de son déroulement ; soit qu’elle présente des étrangetés permettant par exemple d’opter pour l’accident ou la mort volontaire. Dans tous les cas, le doute doit nimber l’affaire.

But : donner les éléments à l’internaute pour qu’il se fasse sa propre idée et intervienne en donnant son point de vue s’il le souhaite.

Riquette et Tototte, seuls témoins du drame (©lamontagne.fr)

Par quel miracle de l’entendement Hercule Poirot résolut-il le meurtre imaginé en 1937 par Agatha Christie dans Témoin muet ? Rappelons que ledit témoin n’était autre que Bob, le chien de la victime. La même chance n’a pas souri aux enquêteurs auvergnats de Royat et Clermont-Ferrand, en 1956. La mort de Janine Lindecker, 34 ans, reste toujours à élucider. Et pourtant, ils avaient à leur disposition non pas un, mais deux témoins directs : la chatte Tototte et son compagnon canin Riquette.

Les deux animaux sont retrouvés prostrés sur le divan. Près d’eux gît leur maîtresse, Janine Lindecker, femme au foyer apparemment sans histoire. C’est en rentrant de son travail, vers 18h30, en ce 12 mars, qu’Alfred Lindecker découvre la scène. L’ingénieur quinquagénaire, marié depuis quatre ans (son troisième mariage), se précipite au commissariat de Royat, qu’il trouve fermé. Au secrétaire de mairie qui le reçoit peu après, Lindecker annonce que son épouse s’est suicidée. Il n’en démordra pas tout au long de l’enquête, trente-neuf jours qui ne menèrent à rien de concret. Un suicide, vraiment ? 

Étrange suicide que celui de Janine. Il ne convainc que son mari qui cherche à en convaincre tout le monde. Les enquêteurs, eux, sont persuadés qu’un crime a eu lieu cet après-midi-là, aux alentours de 15 heures. Les différents éléments retrouvés sur place et le déroulé des événements mettent à mal la thèse prônée du suicide. À moins bien sûr que Janine Lindecker n’ait été pourvue par la nature de pouvoirs surnaturels ?

Simplement vêtue d’une culotte rose et de bas maintenus par des porte-jarretelles, Janine gît dans une mare de sang. Pour mettre fin à ses jours, la femme aurait tiré deux coups de révolver. Le premier sous le sein gauche. La balle reste logée dans le corps, mais Janine trouve la force de retirer sa combinaison ensanglantée, de la rouler en boule et de la jeter sous le meuble où les policiers la retrouveront. Pourquoi et comment un tel acte avant de se tirer une seconde balle dans la tempe, balle qui est ressortie ? Au sol, atteinte par ces deux balles, elle aurait encore trouvé la force de tenter un troisième tir qui s’est perdu… voire de se relever pour poser le révolver sur le meuble de la cuisine avant de reprendre sa place par terre. Alfred Lindecker donne l’explication de cette dernière incongruité…justifiant par la même occasion la présence de ses empreintes sur le 7,65 mm : il l’a ramassé pour éviter que Tototte et Riquette ne jouent avec. Nous comprenons aisément la perplexité des enquêteurs de l’époque quant à l’hypothèse du suicide ; un doute grandement permis, vous en conviendrez.

Pour un suicide, encore faut-il que les traces médico-légales montrent un tir à bout touchant. Or, les expertises relèvent des tirs à bout portant. La thèse du rôdeur est vite écartée : aucune trace d’effraction ; tout est dans un ordre parfait ; rien ne manque au domicile. Si les voisins n’ont rien à dire sur ce couple discret et isolé, les collègues de travail décrivent Alfred Lindecker comme colérique. Des bruits courent : Janine souhaitait divorcer.

Inculpé d’homicide volontaire le 22 avril 1956, Alfred Lindecker est finalement relaxé faute de preuves et le crime reste toujours inexpliqué et impuni. Hélas, le temps a passé et les deux témoins se sont tus à jamais…

Sources : Michelle Hufnagel, « Ah ! Si la chatte Tototte avait parlé », La Montagne, 15 novembre 2008 (article disponible sur le site www.lamontagne.fr) ; « Le mystère de l’affaire Lindecker », L’Express, 8 mai 2008 ; Le drame de Royat : la mort mystérieuse de Janine Lindecker (article du 27/01/2022 disponible sur le site www.rtl.fr) ; « L’ingénieur Lindecker est arrêté. Il proteste toujours de son innocence », Le Monde, 23 avril 1956 (article disponible sur www.lemonde.fr)

Pour aller plus loin : Gilles-Jean Portejoie, Joseph Vebret, Les secrets d’Alfred Lindecker, éd. De Borée, 2017 ; Alain Mourgue, Le drame de Royat : l’affaire Lindecker, éd. Le Manuscrit, 2012.

Fatima DE CASTRO
Février 2023

Tag(s) : #Fait-divers criminel ancien
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