OÙ EST PASSÉ JEAN BESSE ? - Par Fatima de Castro - Fait divers criminel ancien

La Dordogne vers Saint-Julien © sityrail.com)

Une rubrique animée par Fatima de Castro  pour Culture et justice

Idée : Un doute raisonnable ?

Argumentaire : présenter mensuellement un fait-divers criminel ancien qui a laissé les contemporains dubitatifs. Soit que l’affaire n’ait jamais abouti ; soit qu’elle ait connu des remises en question tout au long de son déroulement ; soit qu’elle présente des étrangetés permettant par exemple d’opter pour l’accident ou la mort volontaire. Dans tous les cas, le doute doit nimber l’affaire.

But : donner les éléments à l’internaute pour qu’il se fasse sa propre idée et intervienne en donnant son point de vue s’il le souhaite.

"Le mercredi 6 mai 1931, le quotidien L’Echo de Paris titre en page 3 : « Un père étrangle sa fille et disparaît ». L’information provient du correspondant limougeaud du journal.

Qu’y apprend-t-on ? Dans un hameau près de l’ancienne commune de Saint-Julien-les-Orgues, actuelle Sarroux-Saint-Julien en Corrèze, plus précisément à Lagrange, une jeune femme a été retrouvée pendue à un arbre. Qui s’intéresse à la géographie locale, remarque la quiétude de ce lieu-dit perdu dans les bois, à une encablure de la Dordogne. Les eaux paisibles du grand fleuve louvoient au milieu de falaises verdoyantes. L’isolement est flagrant, aujourd’hui encore. Quelques vieilles fermes s’étirent le long d’une petite route de campagne. Comment imaginer un drame en un tel lieu ?

Et pourtant, le dimanche précédent, Hélène Jamot, née Besse, 18 ans et jeune mariée, est retrouvée pendue à un chêne. La question n’est pas de savoir qui a commis le crime. L’assassin, loin de se cacher, n’a pas hésité à commettre son forfait devant témoin. Récapitulons les événements. Ce fameux dimanche, Hélène reçoit la visite de sa belle-mère. Madame Jamot mère vient depuis la Creuse tenir compagnie à sa bru, laissée seule par son époux, Jean, parti accomplir son service militaire à Bourges. Dans l’après-midi, les deux femmes partent de concert dans la campagne cueillir du genêt. À cette époque, les massifs éclatent du jaune de leurs petites fleurs parfumées. C’est là que le tueur les surprend.

Un coup prémédité. Jean Besse, 48 ans, cultivateur aisé, semble ne pas avoir supporté le mariage de sa fille unique. La justice de Tulle, dépêchée sur place, après avoir cru à un crime d’intérêt, a fini par conclure à un acte de jalousie. Cet après-midi dominical, Jean Besse, tapi dans les broussailles, surveille sa fille et la belle-mère. Lorsqu’elles sortent se promener, il les suit discrètement jusqu’au moment où, pris de folie, il quitte sa cachette et se jette sur Hélène pour l’étrangler. Madame Jamot mère crie, rien n’y fait. Étrangement, après avoir tué Hélène, le père la traîne jusqu’au chêne où il s’échine à la pendre à une branche. La raison de cet acte illogique ? Avec un témoin de la scène, comment songer à faire passer cette mort pour un suicide ? Cet acte semble démontrer que le père n’avait pas tous ses esprits, c’est en tout cas mon avis.

La vraie question est : où donc est passé Jean Besse après son forfait ? Sa fille pendue, l’homme disparaît. La police a beau le rechercher, il reste introuvable. Faute de lui mettre la main dessus, la justice décrète, sans preuve à l’appui, que l’homme s’est jeté dans la Dordogne. Peut-être. Peut-être pas. Où donc est le corps ? Peut-on croire qu’il n’aurait jamais refait surface ? Nous pouvons tout aussi bien supposer que l’assassin s’est volatilisé ailleurs, recommençant une vie sous d’autres cieux, sa conscience pour seule juge…"

Fatima DE CASTRO
Avril 2023

Sources : L’Echo de Paris, 6 mai 1931