La commémoration du 80ème anniversaire de la « rafle du vel d’hiv » le 17 juillet 2022, a donné lieu à un exemple édifiant d’instrumentalisation politique de l’histoire.
Devant le flot d’approximations hasardeuses, d’affirmations erronées, d’élisions proférés jusqu’au plus haut niveau de l’État, cet usage de l’histoire à des fins idéologiques, cet oubli des règles élémentaires de la recherche historique, ce naufrage de l’histoire scientifique et critique, les auteurs rendent sa complexité à une question qu’on ne saurait réduire à une initiative purement vichyste, au point d’effacer les circonstances - la défaite, l’armistice, l’occupation- et le rôle essentiel de l’occupant nazi quasirs de cet ouvrage, venus d’horizons différents, mais épris d’un même souci de rigueur, ont souhaité redonner sa cment absent des discours officiels.
Cette culpabilisation, ces dérapages des discours commémoratifs s’inscrivent dans une dérive idéologique suscitée par quelques historiens et largement relayée dans les media grand public, dérive qu’il convient également de mettre en lumière et d’analyser.
Jean-Marc Berlière, Emmanuel de Chambost, René Fiévet, Histoire d'une falsification, Vichy et la Shoah dans l'histoire officielle et le discours commémoratif, L'Artilleur, janvier 2023
Genèse du livre
Sur des pages de ce site créées en 2020, 2021 et 2022, j'avais eu l'occasion d'épingler les accomodements d'un certain nombre d'historiens avec la science historique en même temps qu'était lancée, sous prétexte de combattre l'extrême-droite et la menace Zemmour, une chasse aux sorcières vis-à-à-vis de tous les historiens qui se risquaient à écrire qu'à partir de juin 1942, lors de la mise en oeuvre de la solution finale nazie, le gouvernement Laval avait bel et bien tenté de protéger les Juifs français de la déportation. Jean-Marc Berlière, spécialiste reconnu de la police et auteur de La police des Temps noirs avait carrément été étiqueté "révisionniste" par Laurent Joly pour avoir soutenu les thèses d'Alain Michel que les habitués de ce site connaissent bien.
Jean-Marc Berlière et moi étions depuis longtemps sur la même longueur d'onde. Le discours que le président Macron prononça à Pithiviers le 16 juillet 2022, à l'occasion de la commémoration de la rafle du Vel d'Hiv, nous décida à réagir et à nous lancer dans l'aventure de ce livre. Une fois de plus, "Vichy" apparaissait comme le principal acteur de la persécution des Juifs. Le discours présidentiel présentait en effet les déportations de Juifs vers l'Est comme une conséquence de la politique antisémite de Vichy ménée depuis octobre 1940. René Fiévet (Voir sur ce site l'article où il décortique les contradictions de Laurent Joly) a renforcé notre équipe pour donner à notre travail un éclairage original.
Je reprends la présentation qu'en a faite René Fiévet pour l'association HSCO dont nous sommes tous les trois membres:
"La structure du livre a été très facile à déterminer, en s’appuyant sur les points forts de chacun : l’histoire pour Jean Marc Berlière, l’historiographie pour moi-même (j'ai repris certaines observations publiées sur ce site), et l’analyse des politiques mémorielles en ce qui concerne René Fiévet. L’idée de base est la suivante : on assiste depuis une trentaine d’années à une surenchère mémorielle qui se traduit par un récit faux historiquement, sous l’impulsion d’historiens devenus idéologues, avec des conséquences directes sur le discours public mémoriel.
Le cœur du livre est bien sûr l’analyse historique, prise en charge par Jean Marc, qui s’attache à rétablir la vérité historique. Surtout, il remet au premier rang l’écrasante responsabilité des Allemands dans le drame de la déportation, totalement absente du discours d’Emmanuel Macron. S’agissant de la responsabilité française, Le livre s’écarte de la version développée par Serge Klarsfeld, totalement axée sur le rôle exclusif de Bousquet dans les négociations avec les Allemands, présenté comme une sorte d’électron libre uniquement guidé par ses propres objectifs personnels (l’autonomie de la police française). Le livre développe l’idée que Bousquet, en réalité, n’a fait qu’obéir aux instructions de Laval et que, contrairement à la thèse de Klarsfeld, le marchandage protection des juifs français contre livraison des juifs étrangers est au cœur de la négociation entre Vichy et les Allemands. De ce point de vue, le livre se situe clairement dans la lignée des travaux de l’historien Alain Michel.
Ensuite, Emmanuel analyse les dérives de l’historiographie. Sa thèse est que ce phénomène n’est pas le seul fait des historiens, mais semble aussi avoir répondu à une demande des milieux intellectuels français à partir des années 70, sans doute en réaction au discours gaulliste-résistant des années d’après-guerre. Cette conjonction entre historiens et milieux intellectuels a été par la suite largement relayée par les médias qui jouent dorénavant un rôle déterminant dans le récit historique actuel sur cette période. Emmanuel fait son miel de la source inépuisable d’erreurs et inexactitudes diffusées dans les médias avec, hélas, la complicité active des historiens idéologues. Il pointe aussi les contradictions de Serge Klarsfeld, et notamment les différences entre ses écrits d’hier (Vichy-Auschwitz en 1983) et d’aujourd’hui.
Dans la troisième partie, consacrée aux politiques mémorielles, René développe l’idée selon laquelle ces historiens idéologues (Serge Klarsfeld, Annette Viewiorka, Pascal Ory, Laurent Joly …) sont devenus des historiens organiques de la mémoire nationale (au sens où l’entendait Antonio Gramsci), exerçant une influence directe sur le discours présidentiel. Ce qui caractérise ces historiens, ce n’est pas leur production intellectuelle, c’est leur place dans le champ politique et social. Il procède à une longue analyse de l’évolution de ce discours présidentiel au cours des trente dernières années, en abordant notamment un certain nombre d’aspects juridiques souvent méconnus (l’ordonnance du 9 août 1944, le décret du 3 février 1993, la loi du 10 juillet 2000, la jurisprudence du Conseil d’Etat, et notamment le fameux arrêt Papon de 2002). Sa thèse est que ce discours volontairement culpabilisateur (« la faute de l’Etat », « la faute de la France », « un crime commis en France par la France », dixit François Hollande) est un discours pétainiste au strict sens politique du terme, en ce sens qu’il postule que la souveraineté française au cours de cette période a bien été représentée par le régime du maréchal Pétain. En effet, sans cette re-légitimation du régime de Vichy, on ne peut pas établir de culpabilité nationale. Il appelle cela le « pétainisme légitimiste ». C’est le formidable paradoxe du discours mémoriel actuel qui relègue au rang des accessoires la France libre et la Résistance, dont le seul rôle dans notre histoire a été de « sauver l’honneur », mais rien de plus."
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Blog de liaison avec "Culture et Justice". Destiné à publier principalement les portraits du jour des écrivains, historiens, artistes, etc - Culture et justice rassemble des ...
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Le site des éditions de l'Artilleur - Le site des éditions de l'Artilleur
Dans les Cahiers Bernard Lazare (sept-oct. 2023) l'ouvrage " Histoire d'une falsification, Vichy et la Shoah dans l'Histoire officielle et le discours commémoratif ", par Jean-Marc Berlière ...
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