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Ce 5 décembre 1986, deux jeunes hommes, Abdelwahab Benyahia et Malik Oussekine, sont tués par des policiers. Ces crimes provoquent des réactions politiques en chaîne.

Une histoire particulière, le samedi et le dimanche de 13h30 à 14h sur France Culture

Raconter des histoires du réel, et par le singulier toucher l’universel. Le documentaire est le récit d’une histoire vraie. C’est un fait divers au sens propre et sans tiret : la rencontre entre un documentariste et une histoire qui nous emmène là où généralement nous n’allons pas.

 

En plein mouvement étudiant contre la Loi Devaquet, deux jeunes sont tués par des policiers, un soir de décembre.

Avec

  • Jean-Marie Michel Journaliste

  • Moustafa Benyahia Grand frère d’Abdelwahab

  • Catherine Feyler-Sapene Magistrate

  • Abdel Saadouni Animateur à La Courneuve

05 décembre 1986 : Depuis plusieurs semaines déjà, un vaste mouvement étudiant se lève contre le projet de loi Devaquet, une réforme universitaire qui doit durcir les conditions d’entrée à la fac. La veille, le jeudi 4 décembre, une manifestation monstre avait rassemblé à Paris des centaines de milliers de jeunes. Sur l’esplanade des Invalides, la police de Pasqua avait frappé fort et on comptait dans les rangs des manifestants plusieurs blessés graves : un jeune homme avait perdu son œil, et un autre avait eu la main arrachée.

Ce soir du vendredi 5 décembre donc, alors que la Sorbonne occupée vient d’être évacuée dans le calme, les redoutés voltigeurs de la Préfecture de Police de Paris - des escadrons de police montés sur motocross et armés de longs bâtons, que Raymond Marcellin avait spécifiquement créés dans l’après Mai-68 pour ratisser les ruelles étroites du Quartier Latin - s’acharnent sur un passant et le battent à mort. C’est Malik Oussekine, étudiant de 22 ans.

Des journalistes voisins appellent leur rédaction et une caméra arrive rapidement sur place, filmant le garçon agonisant dans le hall vitré du 20 rue Monsieur-le-Prince. Ce meurtre déclenchera, dès le lendemain, une indignation nationale et un véritable tollé politique avec le retrait du projet de loi et la démission du ministre délégué Alain Devaquet.

22 heures 30 : À une dizaine de kilomètres du centre de la capitale, Abdelwahab Benyahia, 19 ans, boit un verre avec un de ses frères et quelques amis au café Tout est bien sur le carrefour des Quatre-Chemins, dans la banlieue Nord. Animateur stagiaire, beau garçon, engagé dans les associations de son quartier, le jeune Abdel est déjà une figure à La Courneuve où il habite avec sa famille, à la Cité des 4000.

Soudain, une bagarre éclate entre deux clients du bar. Abdelwahab tente de s’interposer quand un homme visiblement ivre - en réalité un inspecteur de police hors service, mais on ne le sait pas encore - dégaine une arme et le tue d’une balle dans la poitrine.

Les secours arrivent rapidement et emportent Abdelwahab sans préciser à ses proches son état. À partir de là et pendant 48 heures, c’est le black-out total : pas un mot ne fuite dans la presse et la famille Benyahia cherche son fils dans tous les hôpitaux de la région. Ce n’est que le lundi 8 décembre 1986 qu’elle sera avertie de sa mort et de l’endroit où repose le corps, à l’institut médico-légal.

Bibliographie sélective

À la Courneuve, autour de la famille Benyahia, le comité “Justice pour Abdel” se constitue et se lance dans une véritable bataille politique et judiciaire.

Avec

  • Moustafa Benyahia Grand frère d’Abdelwahab

  • Catherine Feyler-Sapene Magistrate

  • Abdel Saadouni Animateur à La Courneuve

  • Nadia Ménenger Journaliste et militante

  • Laurent Magré Archiviste

Patrick Savrey, le policier qui a tiré sur Abdelwahab Benyahia, est d’abord inculpé d’homicide involontaire et laissé en liberté. Il clame alors son innocence : le coup serait “parti tout seul”.

Mais à la Courneuve, où la famille Benyahia est connue et appréciée, la mobilisation prend de l’ampleur, notamment dans la Cité des 4000. Autour des huit frères d’Abdelwahab et de leurs parents se constitue le comité "Justice pour Abdel", soutenu par la mairie communiste et une large partie de la population.

Trois ans plus tôt, le quartier avait déjà été marqué par la mort du petit Toufik Ouanes, 10 ans à peine, abattu par un voisin agacé par le bruit des pétards avec lesquels il s’amusait. Déjà, un des frères Benyahia, Abdelhafid, avait été témoin de la scène - il était là, en train de s’amuser avec Toufik lorsque le coup était parti. Déjà, le drame avait suscité des révoltes et la "Marche pour l’égalité des droits et contre le racisme" lui rendra hommage.

Alors lorsqu’Abdel est tué, les solidarités se mettent vite en place : les acteurs associatifs de la ville, la municipalité, des syndicats, des radio libres et même des militants de l’autonomie parisienne se joignent au combat. Le père d’Abdelwahab, Hamza Benyahia, ancien militant du FLN, est en première ligne et fait désigner des avocats de haut rang pour faire connaître l’affaire : Maître Mourad Oussedike notamment, ainsi que Jacques Vergès et Léon Forster. Des marches et des meetings s’organisent, rassemblant des centaines de personnes et formulant des revendications.

De son côté, la juge d’instruction de tribunal de Bobigny chargée du dossier, Catherine Feyler-Sapene, rencontre des difficultés à mener son enquête - elle prend alors appui sur les jeunes du quartier. Il faut dire qu’il n’est pas facile d'enquêter sur la police.

S’en suivent une reconstitution, deux requalifications, une incarcération de l’inspecteur Savrey à Fleury-Mérogis et un procès aux Assises fin novembre 1988 : l’accusé avait 1,87g d’alcool dans le sang, et a bien tiré sur le jeune en pleine poitrine. Il écope d’une condamnation ferme de 7 ans qui fait encore aujourd’hui figure d’exception. Les policiers impliqués dans la mort de Malik Oussekine, Jean Schmitt et Christophe Garcia, seront quant à eux jugés deux ans plus tard, en 1990, pour “coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner”.

Respectivement condamnés à cinq et deux ans de prison avec sursis, ils échappent à la prison.

 

Bibliographie sélective

Archives diffusées

 

Archives Ina

 

  • Catherine, témoin sur Antenne 2 Midi, collection A2 / France 2 (08.12.1986)

  • Reconstitution Benyahia, sur Antenne 2 Midi, Collection, A2 / France 2

  • Treize heures (journal), collection TF1 Actu (03.04.1987)

  • Réactions verdict BenyahiaTreize heures (journal), collection, TF1 Actu

  •  

Autres archives

Merci à Juliette Petit qui a numérisé les archives de "Parloir Libre" dans le cadre de sa thèse à Paris 8

Tag(s) : #Justice - Peine de mort - Expertises, #Police - Gendarmerie - Femmes, #Société - Travailleurs sociaux
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