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Nouveau portrait du jour : François Rozier

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir François Rozier

François Rozier est comédien, metteur en scène et formateur à l’université France Télévision. Passionné par l’Histoire, il est l’auteur de plusieurs livres et articles, dont une remarquable étude sur Le Corps franc d’Indre-et-Loire (éd. du Petit Pavé). Il a également assuré l’édition et le commentaire du Journal de guerre de Jacques Rozier, son père, paru aux éditions Lamarque.

Bienvenue  François  sur le très prisé et discret Culture et justice

L'interwiew est réalisée par notre ami Eric Labayle des Editions Lamarque

 

Interview de François Rozier

Auteur de André du Chesne. Père de l’Histoire de France,

éditions Lamarque, 2023

Question : Bonjour François Rozier. Pouvez-vous s’il vous plaît vous présenter en quelques mots ?

  • Bonjour, après m’être un peu cherché et fait mille petits boulots, j’ai franchi le seuil de l’école de théâtre Charles Dullin avec la boule au ventre. Cette peur s’est bien vite dissipée pour laisser place au plaisir. Dès la deuxième année j’ai été engagé par Ariane Mnouchkine pour le film Molière. J’interprétais Clérin un comédien de l’Illustre Théâtre. Pendant trente-cinq ans j’ai foulé les planches de long en large dans toute la France. En parallèle j’ai eu l’opportunité de faire de la formation pour les journalistes à l’Université France Télévision. Outre les chaînes du service public, pour lesquelles j’intervenais sur le commentaire sur images, la présentation du journal ou encore les plateaux en situation, j’ai travaillé pour RFO (les Premières), la RTBF, TV5 Monde, la télévision Suisse Romande, la télévision malienne… et différentes écoles de journalisme. Je suis maintenant à la retraite et bien heureux de pouvoir gérer mon temps à ma convenance.

Question : Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à l’Histoire ?

  • À l’école je n’étais pas un élève brillant, distrait par la vie à l’extérieur de la salle de classe, mais s’il y avait une chose qui retenait mon attention c’était bien l’Histoire et les histoires pour raconter l’Histoire. Bien plus tard, j’ai commencé par faire de la généalogie. Une science qui dans sa pratique primaire est un peu « sèche ». C’est en m’efforçant de contextualiser dans leurs époques les personnes de ma famille que j’en suis venu à l’Histoire. Cette famille a traversé nombre d’événements exceptionnels et c’est grâce à elle que je pratique une Histoire de proximité. De fait, mes études rayonnent toutes autour de Chinon berceau de mes ancêtres. Je ne suis pas un historien au sens universitaire du terme, mais dans mon travail je procède avec la même rigueur que celle des historiens professionnels. Ma formation professionnelle, c’est-à-dire : l’interprétation de personnages au théâtre et le travail sur les faits et la vérification des faits avec les journalistes ont été des atouts pour mon approche de l’Histoire. D’ailleurs pour cette biographie d’André du Chesne je me suis appliqué à citer à la fin de chaque chapitre les documents de référence.

Question : … Et plus précisément l’histoire du XVIIe siècle ?

  • C’est vrai qu’après deux premiers livres sur la seconde guerre mondiale ce virage est étonnant. Mais comme je ne suis pas spécialiste d’une période, je ne suis pas prisonnier d’une époque. Je suis guidé plutôt par les sujets. Le premier XVIIe m’intéressait par son extraordinaire développement culturel, même les politiques rivalisent d’érudition comme les Du Vair, Séguier, Loménie, etc. Il y a aussi un côté pratique, les historiens du XVIe écrivaient la plupart du temps en latin pour communiquer leurs travaux dans toute l’Europe, avec le XVIIe ils commencent de plus en plus à écrire en français, une facilité pour moi qui ne suis pas latiniste.

Question : Entre la Renaissance et le Grand Siècle, le XVIIe siècle fut particulièrement riche. Pourquoi et comment vous êtes-vous spécialisé sur André du Chesne ?

  • Toujours à cause de la proximité… Ma maison familiale se situe à Theneuil, un petit village à trois kilomètres de l’Ile-Bouchard la ville natale d’André du Chesne. Lors de mes recherches aux Archives nationales j’ai souvent croisé le nom de Du Chesne sans savoir trop qui il était et les archivistes n’en savaient guère plus. Ma nièce, élève du collège André « Duchesne », ne le connaissait pas. À part quelques articles sur son œuvre, rien sur sa vie, ni sur ses origines, et c’est ce rien qui m’a incité à entreprendre des recherches. Quand j’ai attaqué ce projet je ne me suis pas dit : j’écris une biographie d’André du Chesne. Je ne savais pas s’il y aurait la matière. L’idée a pris forme peu à peu au fil des trouvailles. Des recherches longues et passionnantes et je dois dire que j’aime beaucoup cet aspect du travail : mener une enquête historique alterne les rebondissements, les désillusions et l’exaltation.

Question : Sans déflorer le sujet de votre livre, pouvez-vous nous expliquer qui était André du Chesne ?

  • André du Chesne est l’un des historiens les plus importants du XVIIe siècle. Le père d’André du Chesne était le commandeur de la commanderie de l’Ile-Bouchard de 1573 à 1614. Malgré son vœu de chasteté prononcé lors de son entrée dans l’ordre des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, il a eu, avec sa concubine Louise Baudry, au moins sept enfants. André n’a jamais révélé ses origines et il a entretenu ce secret familial. Après des études à Loudun puis au collège de Boncourt à Paris, il est employé comme correcteur d’imprimerie et place deux de ses frères en apprentissage. Sans fortune, il travaille d’arrache-pied pour se rapprocher de l’élite intellectuelle. Il devient l’un des piliers de l’académie Dupuy, ce qui lui permet de fréquenter les plus grands érudits de son temps. Géographe du roi, puis historiographe du roi à la fin de sa vie, c’est bien après sa mort que le Grand Siècle l’a surnommé « Père de l’Histoire de France ».

Question : Comment cet enfant de Touraine s’est-il retrouvé au service des puissants de son époque ?

  • Grâce à sa science, à la rigueur de sa pratique, Pierre d’Hozier, juge d’armes et généalogiste de France, lui demandait souvent conseil et disait être « du plomb auprès de l’or », l’or étant André du Chesne. Grâce à sa ténacité, sa volonté et sa force de travail, ses confrères le qualifient d’écrivain laborieux, ce qui est un compliment à l’époque. Grâce au savant universel Claude Fabri de Peiresc qui n’hésite pas à le recommander et à lui confier des tâches de portée nationale. Grâce à sa fidélité au roi, son indépendance d’esprit, sa renommée, son honnêteté intellectuelle, son aménité, Richelieu le choisit entre tous les historiens pour réaliser sa généalogie (rappelons qu’à cette époque le Cardinal avait fait main basse sur le bouchardais).

Question : André du Chesne a laissé une œuvre considérable. En quoi consiste-t-elle ?

  • André nous a légué une grosse cinquantaine de livres, certains l’estime à une centaine. Son œuvre se partage entre l’histoire, la généalogie et, en moindre quantité, les essais, les traductions, les hagiographies, les compilations avec commentaires et d’innombrables copies de manuscrits de toutes sortes réunies dans les 121 volumes de la collection Duchesne à la BnF.

Question : Quelle fut son influence, à son époque mais aussi dans les décennies et les siècles suivants ?

  • Le chevalier de l’Hermite dit d’André « qu’à défaut de noblesse il faut saluer son génie ». Son génie est d’avoir défini en 1614 une méthode de la pratique de l’histoire : un style sans artifice, s’arrêter sur les auteurs qui rendent compte du vécu, en rester aux faits et être mesuré dans l’analyse, se tenir à distance quand on évoque la religion, documenter ses sources… Cette méthode a influencé des générations d’historien et en particulier les Mauristes qui sont des moines bénédictins érudits de la congrégation de Saint-Maur. Mais du Chesne était aussi un formidable copiste. Il réalise des transcriptions de documents souvent disparus et ce travail est devenu une source indispensable pour les chercheurs actuels.

Question : Que cache le surnom de « Père de l’Histoire de France » ? En quoi s’applique-t-il à André du Chesne ?

  • Il y a au moins trois raisons de le qualifier ainsi : sa personnalité et sa méthode, je les ai évoquées, mais c’est surtout pour son œuvre majeure, Histoire des historiens Français, qu’il laisse son nom à la postérité. Il écrit de son vivant cinq volumes ; deux de ces cinq volumes seront publiés après sa mort par son fils. Ensuite les Mauristes reprennent le flambeau et d’éditeur en éditeur, le 24e et dernier volume sortira des presses en 1904.

Question : Que reste-t-il de l’œuvre de du Chesne en 2023 ?

  • Dans l’esprit de nos contemporains, Jules Michelet, lui aussi surnommé « Père de l’Histoire de France », a supplanté André du Chesne parce qu’il a composé à sa sauce une histoire nationale qui s’est déversée dans les livres scolaires. Mais le catholique André du Chesne et son historiographie royale n’ont pas dit leur dernier mot. Il laisse une somme considérable d’ouvrages et de documents de première main qui sont une ressource indispensable aux chercheurs.

Question : Les auteurs de biographies entretiennent souvent une certaine proximité avec leur sujet. Quelle est la nature de vos relations avec André du Chesne ?

  • J’ai fréquenté tous les lieux où est passé l’historien pour m’imprégner du personnage et je me suis senti effectivement très proche de lui. Je dois cette proximité à mon métier de comédien. Je me suis glissé dans la peau du personnage sans oublier d’en ressortir et de prendre de la distance. Ce n’est pas n’importe quelle biographie, c’est celle d’un historien. Raconter l’histoire d’un historien m’a permis aussi de mieux comprendre les rouages de la pratique de l’Histoire à cette époque.

Question : Sur quels sujets comptez-vous travailler, après la publication de votre biographie d’André du Chesne ?

  • J’ai beaucoup hésité entre une autre biographie sur François Auguste de Thou ou Laubardemont exécuteur des basses œuvres de Richelieu pour continuer avec cette période du XVIIe siècle. Mais je vais encore rester dans mon périmètre géographique avec l’un de mes ancêtres d’Avoine qui a vécu au début du XIXe. Il a participé bien malgré lui à la dernière chaîne qui l’a conduit à pied de la prison de Bicêtre au bagne de Toulon où il est mort du choléra. L’enjeu serait d’écrire un roman historique. À voir.

 

 

André du Chesne, bâtard d’un soldat de Dieu, grandit à l’Île-Bouchard (Touraine) dans la fureur des guerres de Religion. Le petit garçon s’épanouit à Loudun, dans le creuset de la « grande école » dirigée par la célèbre famille Boulenger, où il fréquente les Sainte-Marthe et Renaudot.

Après des études au collège de Boncourt, le jeune homme s’établit définitivement à Paris. Pour survivre et entretenir deux de ses frères, il travaille comme correcteur d’imprimerie chez les libraires de l’Université. Infatigable et « laborieux », il enchaîne à un rythme effréné les ouvrages d’érudition, avant d’établir les principes de la recherche historique. Pilier de l’académie Dupuy, incontournable auteur de la République des lettres devenu géographe du roi Louis XIII, il côtoie et correspond avec les plus grands savants de son époque.

Généalogiste par goût et par besoin financier, du Chesne met son talent au service de Richelieu en réalisant l’histoire officielle de sa Maison. En remerciement, le Cardinal lui obtient la charge d’historiographe du Roi. Pour son œuvre immense et pionnière, son siècle et les suivants le surnommèrent « Père de l’histoire de France ».

 

Auteur de André du Chesne. Père de l’Histoire de France,

éditions Lamarque, 2023

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

Relecture et mise en page Ph.P

Tag(s) : #portrait du jour criminocorpus, #Coup de coeur du jour
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