Journalistes, les femmes aussi

On est frappé par le nombre de femmes qui figurent aujourd’hui, le casque de protection sur la tête et le gilet pare-balles sur le torse, parmi les journalistes se portant au plus près de la violence de guerre, sous les obus. La chose est vraie pour la presse écrite et elle est spécialement lisible à la télévision. Or, voilà bien un phénomène qui aurait sidéré le 19e siècle et cette simple observation donne l’envie, en élargissant le regard à la presse toute entière, de s’interroger sur les ressorts et la portée d’une telle évolution. Celle qui, depuis cent cinquante ans au moins, a permis au "sexe faible", comme on disait autrefois, d’investir peu à peu une profession qui paraissait jadis lui être interdite, sauf de rares exceptions, selon un consensus social que seules quelques vaillantes combattantes parvenaient à ébranler. Marie-Ève Thérenty, professeure de littérature française à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, analyse cette évolution dans un bel ouvrage. Elle l’a intitulé Femmes de presse, femmes de lettres, soulignant ainsi que c’est souvent par l’intermédiaire de la littérature que les premières femmes journalistes ont pu commencer d’investir cet univers interdit. Son sous-titre, de Delphine de Girardin à Florence Aubenas, annonce qu’elle y fait surgir diverses figures dont il va falloir éclairer quelques-unes. Nous allons voir selon quels chemins elles sont parvenues à se faire une place dans la grande presse. Ce fut longtemps en affirmant l’originalité de leurs thématiques, de leurs curiosités, de leur écriture, de leurs attitudes dans l’enquête. Reste-t-il, en notre temps, quelque chose de cette originalité ? Ou doit-on parler d’une uniformisation complète des pratiques du métier ? Il se peut bien que cette question se pose aussi en dehors du monde particulier du journalisme...