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"Pour les carnets de justice, cette affaire dont tu as la primeur puisqu'elle n'a été à ce jour ni publiée ni enregistrée ou comment une adolescente délurée garde le sens des affaires.

 

Une ''belle'' histoire qui se termine mal pour sa victime mais plutôt bien pour elle. Avoir 18 ans, être blonde et des yeux qui pleurent ,ça aide en cours d'assises !

 

L'affaire pourrait paraître sur ton site avec l'accroche : "Casque d'or aux assises" ...si le titre te sied !

 

 

Jean-Michel ARMAND est directeur pénitentiaire honoraire d'Insertion et de Probation à ENAP , membre associé au Centre des Ressources de l’Histoire des Crimes et des Peines de l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire. Chroniqueur régulier aux journaaux du Sud-Ouest, il collabore à différentes revues d’histoire sociale et pénitentiaire...

 

 

Affaire Alicia Terrade
 

EPISODE 1

Il n’est pas encore tout à fait 6h30 quand, ce dimanche 13 avril 1913, au château de Cazeaux sur la commune de Lannes, les résidents sont brutalement tirés de leur sommeil par des déflagrations. La fille Alicia Terrade - 18 ans - vient de décharger son pistolet qu’elle tenait dissimulé sous sa blouse sur le sieur Nicolas Moumédé régisseur de la propriété. Touché en pleine poitrine, l’homme s’effondre en râlant, les mains sur son ventre ensanglanté. Voyant qu’il n’était pas mort, la jeune fille s’avance et l’achève d’une balle en pleine tête. Le corps se soulève sous l’impact puis retombe, sans vie ! Alicia s’en retourne alors tranquillement chez ses parents - maîtres-domestiques - sur le domaine - et raconte calmement ce qui vient de se passer. Effondrés à ce récit, ses parents l’engagent à se rendre. Son père l’accompagne jusqu’à la gendarmerie de Mézin. Que s’est-il passé pour que cette jeune fille que tous viennent décrire comme « bonne, douce, courageuse et de bonne moralité » en arrive à pareille extrémité ?

Dans les locaux de la brigade, la jeune femme, cédant aux questions des gendarmes, va raconter sa pénible histoire. Ses parents sont arrivés sur le domaine au mois de septembre 1908.Elle les rejoindra quelques mois plus tard en février 1909. Elle a tout juste 13 ans. Ce même mois arrive aussi Moumédé le nouveau régisseur. A l’été 1911, elle a 15 ans, des formes de femme et un visage gracieux. Séduit, l’homme lui fait comprendre qu’elle ne lui est pas indifférent. Puis les gestes et les paroles se font plus précis, plus…insistants ! La sage jeune fille repousse les avances et les choses en restent là. Mais le 12 novembre 1912, alors qu’elle est seule à la maison, le régisseur s’invite. Les yeux énamourés, il lui déclare son trouble, son amour. Il est sincère, pour preuve, il veut l’épouser et, si elle y consent, il en fera la demande sans délai à ses parents. Dès lors, - déclarera-elle - ils eurent régulièrement « des relations intimes ». Un mois plus tard, elle se rend compte qu’elle est enceinte, un médecin consulté en cachette, le lui a confirmé. Le 25 décembre, elle en informe Moumédé qui reçoit la nouvelle avec scepticisme : « je ne te crois pas mais si c’est vrai, n’aies crainte, je saurai réparer la faute et je t’épouserai ». Les semaines puis les mois passent, le ventre s’arrondit mais le nouveau père ne s’est toujours pas décidé à faire sa demande. Alicia le presse et enfin, le 25 février 1913, il se présente aux parents de la jeune fille et explique la situation : « je suis un homme d’honneur et de parole…j’épouserai donc Alicia ! ». Dire que les parents sont enchantés serait peu, le bonhomme n’est plus tout jeune… mais enfin, s’il répare ! On va quérir les papiers nécessaires à la publication des bans. Elle à Langradas, lui à Lectoure où il est né. Les publications sont portées en mairie et au curé de l’église de Lannes. Mais la semaine sainte choisie pour leur hyménée ne convient pas au prêtre qui repousse la cérémonie après les Pâques. La date du 1 er avril est enfin arrêtée pour les noces, jour de la foire de Condom. Ce report va avoir une fâcheuse incidence. Il va nettement tiédir l’engagement de Moumédé lequel n’est plus tout à fait certain de vouloir…réparer !


EPISODE 2

Une semaine avant la noce, il demande à voir le général Ducassé, le propriétaire du château et s’ouvre à lui de ses hésitations. « Vous n’avez pas eu besoin de mes conseils pour faire le mal alors, arrangez votre situation et le plus tôt possible… » le morigène le châtelain. Dépité, hésitant, Moumédé trouve encore des prétextes pour repousser la cérémonie puis se décide à rompre son engagement : « j’ai 46 ans, je suis bien trop vieux pour vous…/…vous ne seriez pas heureuse avec moi. Je vais vous donner 2000 francs, cela vous aidera à élever l’enfant ». Réaction d ’une femme humiliée ou témoignant opportunément d’un sens inné des affaires…Alicia rétorque tout à trac : « donnez-moi 4000 francs et je vous laisse tranquille. Vous n’entendrez plus parler de moi et de l’enfant ». Interloqué, l’homme se récrit : « je n’ai pas cet argent et je ne peux rester sans le sou…/…Tant pis alors, je vous épouserai mais vous le regretterez rapidement ! ». La nuit lui ayant probablement porté conseil, Moumédé revient le lendemain vers sa (toujours) promise et accepte la transaction à 4000 francs. Mais la belle enfant dont le ventre a pris maintenant des formes avancées, réclame maintenant 8000 francs (1). Cette fois, les négociations sont rompues…plus un sou et…plus de mariage !

Mortifiée, Alicia va alors dérober dans le tiroir d’un secrétaire du salon le revolver que monsieur Ducassé y range. Mais l’arme est vide, dépourvue de munitions. Les explications confuses données à l’armurier de Mézin n’invite pas ce dernier à servir la demoiselle. Celui de Condom sera plus complaisant et lui vendra six cartouches à balles. La semaine qui suivra la verra dans un état de grande confusion…tour à tour résolue à venger l’affront puis immédiatement effrayée par les conséquences d’un tel acte. Enfin, ce dimanche 13 avril, à 6 heures du matin, elle se dirige vers la chambre de son séducteur. Celui-ci est lui aussi debout en train de faire ses valises. Sans détours, elle l’apostrophe : « hier, vous m’avez très mal parlé, aussi je ne tiens plus à vous épouser…donnez-moi ces 4000 milles francs et restons-en là ». Moumédé rétorque que lui non plus n’a nulle intention maintenant de la marier, pas plus qu’il est disposé à lui donner une telle somme. « D’ailleurs, je vais écrire au procureur de Nérac ainsi qu’au maire de Lannes et les aviserai de tout ceci …/… maintenant, sortez de chez moi, je ne veux plus vous voir et dites à vos parents de quitter la propriété, je leur donne leur congé ». Pourquoi cet homme devenait-il si méchant et pourquoi s’en prendre à mes parents ? Alicia est au désespoir… « Ah ! non ! il ne s’en sortira pas comme çà le salaud ! » Alicia sort alors le revolver et tire deux fois puis une fois encore. Renvoyée devant la cour d’assises car tout juste ‘’majeure pénal’’, Alicia- Théodora va beaucoup pleurer, essuyant ses beaux yeux sombres avec un mouchoir de serge qu’elle serre dans ses doigts. Sa chevelure blonde lui fait une auréole presque angélique. Elle va nier avoir voulu tuer son amant « simplement l’effrayer » dira-t-elle. Mais le troisième coup de feu pose problème tout comme le second au reste car avec un pistolet, il faut, après chaque coup lâché, relever le chien de l’arme…quelques secondes certes mais sans doute suffisantes pour pouvoir se reprendre. Le troisième coup « qui part tout seul » dit-elle n’est donc pas crédible. Malgré cela l’avocat général Dhauteuille ne s’opposera pas aux circonstances atténuantes. Maître Villatte son avocat qui plaidera, la jeunesse et l’innocence trompée par un ignoble libidineux sera entendu au-delà de ses espérances. Alicia sera acquittée !

De pue dimitte

  1. Environ 25.500 euros

Tag(s) : #Chronique criminelle Lot-et-Garonne
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