Une rubrique animée par Fatima de Castro pour Culture et justice
Idée : Un doute raisonnable ?
Argumentaire : présenter mensuellement un fait-divers criminel ancien qui a laissé les contemporains dubitatifs. Soit que l’affaire n’ait jamais abouti ; soit qu’elle ait connu des remises en question tout au long de son déroulement ; soit qu’elle présente des étrangetés permettant par exemple d’opter pour l’accident ou la mort volontaire. Dans tous les cas, le doute doit nimber l’affaire.
But : donner les éléments à l’internaute pour qu’il se fasse sa propre idée et intervienne en donnant son point de vue s’il le souhaite.
Château de Roquefère (© Jacques Mossot, wikipédia)
À Monflanquin, dans le Lot-et-Garonne, le château de Roquefère a fière allure au milieu de la végétation, masse tout en tours et toitures au sommet d’une colline. Ses murs épais aux pierres multi-centenaires regardent l’horizon, muets, depuis 1279. La partie la plus ancienne, gothique, repose sur une salle basse voûtée. En contrebas, le Mille Pois glisse paisiblement au milieu des champs. Tout à l’air paisible. Plus rien ne rappelle la Fronde à laquelle participèrent ses propriétaires, tournant le dos au Roi soleil pour lui préférer le prince de Condé. Mauvais choix. Mais le grand roi n’était pas si vindicatif que cela.
Des dames de Roquefère, l’une d’elles eut grâce aux yeux de Louis XIV. Fille d’Anne de Chaussade de la Mothe et de Jean II de Rochefort, Lydie de Rochefort-Théobon, future comtesse de Beuvron, attira l’œil exercé du souverain. Devenue demoiselle d’honneur de la reine Marie-Thérèse en 1670, cette dame de Roquefère dédia ses charmes au roi jusqu’en 1672. L’impitoyable Madame de Montespan, de triste renom, jalouse de ses privilèges en matière d’intimité royale, la fit renvoyer de la cour pour se préserver les bonnes grâces du Soleil. La dame de Roquefère finit tout de même demoiselle d’honneur de la Palatine, épouse du frère royal. Elle s’en sortit bien ; toutes les dames de Roquefère n’eurent pas cette chance.
La légende nous mène loin en arrière, en un temps où la justice prenait des allures de tortionnaire sans se préoccuper de règles, aveugle et sourde. Dans la cour fermée par les hautes murailles, se promenait jadis une dame des temps anciens. Une dame comme on n’en faisait déjà plus du temps de Lydie de Rochefort-Théobon, à la longue robe bouffante, à la coiffure recherchée, couverte de perles, le cou pris dans une « fraise » dentelée. Qui était-elle ? La légende ne le dit pas.
À quoi pouvait-elle bien rêver, cette noble dame, assise sur le coussin moelleux qui devait adoucir la dureté de pierre de son coussiège, le regard porté loin sur l’horizon ? Sans doute aimait-elle se promener dans les parfums de son jardin, cernée par les quatre hautes murailles de la forteresse, emprisonnée, déjà, de son vivant. Quant à sa mort, ô pauvre dame, elle n’eut rien de gracieux. La légende dit que son mari, triste sire, ne trouva rien de mieux que de l’emmurer vive entre les murs de son château. Quel mal avait-elle pu faire dans ce désert végétal pour s’attirer pareille ire ? Nous ne savons rien d’elle, ni de ce qui lui fut alors reproché. La justice, nous l’avons dit, ne s’embarrassait pas de telles considérations. Son secret fut emmuré avec elle et les pierres pleurent les larmes qu’elle ne retient plus depuis des siècles. Quant à son mari justicier, l’histoire ne dit pas ce qu’il advint de lui… mais on ne le retrouva pas entre les murs épais de son château.
Sources : site wikipédia du château de Roquefère ; dossier de protection au titre des Monuments historiques (Médiathèque du patrimoine et de la photographie).
Relecture et mise en page Ph.P
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